Depuis une vingtaine d'années, les économies monétaires et marchandes s'étendent à la majorité des sociétés locales de la planète et l'analyse des processus de transition dans lesquels ces sociétés sont engagées constitue un enjeu majeur. Cet ouvrage décrit et analyse les changements survenus chez les Pygmées baka du Cameroun au tournant des années 1960 avec l'adoption de l'agriculture et une résidence en bordure de route. Leur passage d'une économie de chasse et de cueillette vers une économie intégrant l'agriculture offre un cadre propice à une réflexion plus générale sur les dynamiques sociales, l'évolution des sociétés et le développement durable. Les dynamiques sociales sont analysées non pas comme une rupture, mais comme la poursuite d'un mouvement, la tradition constituant l'invariant par référence auquel le changement devient concevable et acceptable.
Une analyse sociologique de la question environnementale
Cet ouvrage présente une analyse sociologique de la question environnementale depuis son émergence en France à la fin des années 1960 jusqu'à nos jours. Enjeu de mobilisations et de revendications , elle a d'abord eu comme objet la remise en cause du mode de développement industriel avant de devenir un puissant vecteur de normalisation sociale, posant aux sociologues la question des relations entre le politique, l'économique et l'idéologique. Elle est donc à ce titre indicateur de changement social et recoupe un champ foisonnant qui constitue son corpus (analyse des nouvelles pratiques et représentations de la nature, conflits d'usages, place et rôle des scientifiques, nouveaux rapports aux risques, émergence d'un mouvement d'écologie politique, repositionnement du secteur économique et prise en charge par le politique,...). La manière dont les différentes disciplines des sciences sociales mais aussi des sciences de la nature se sont emparées de cette question, soit pour répondre à une demande institutionnelle, soit pour développer une autre démarche d'analyse, la démarche interdisciplinaire, participe de la construction sociale de cet objet et questionne sur le positionnement actuel des scientifiques face aux enjeux environnementaux.
Des étangs par milliers dans la Brenne, dit-on. Mais qui peut les compter ? Parce que cette contrée humide et secrète au coeur de la France n'avait pas encore été considérée par l'anthropologie, Geneviève Bédoucha, ethnologue spécialiste des rapports entre gestion de l'eau et société (Maghreb, Yémen), a eu la curiosité d'entrer, pour plusieurs années, dans ce milieu si particulier, parmi les eaux moins dormantes qu'il n'y paraît, dont carpes et brochets ont longtemps fait la richesse. Elle en rapporte une étude, colorée autant que savante, sur " les liens de l'eau " dont elle montre qu'ils structurent la société entière. Son analyse, s'appuyant sur des sources historiques, démêle les liens nécessaires et complexes qui se sont instaurés entre les propriétaires d'étangs, exploitants piscicoles, mais aussi entre ces derniers et les agriculteurs alentour, éleveurs de bétail. Car la gestion de l'eau, bien que reposant sur une tradition, exige des arrangements sans cesse à réinventer. Tissu d'obligations multiples et réciproques, dont Geneviève Bédoucha, passant de château en ferme, et d'étang en étang les jours de pêche, dessine la trame dans toutes les nuances à la fois d'opposition sociale et de solidarité que la parole aujourd'hui dévoile.
Pratiques de bergers entre agri-environnement et prédateur protégé
Ce livre se fait l'écho du conflit très médiatisé qui oppose, depuis 1992, le monde du pastoralisme aux protecteurs de ces prédateurs. Sur la base d'une documentation très détaillée, résultat de plusieurs années d'enquêtes auprès d'éleveurs, de bergers et de nombreux acteurs des territoires montagnards, l'auteur montre toute la complexité de la proximité entre les troupeaux domestiques et les loups, animaux sauvages intégralement protégés par la convention de Berne. Ce texte ratifié, alors qu'ils avaient disparu du territoire national, engage les pouvoirs publics à leur sauvegarde. Mais dans le même temps, l'État reconnaît officiellement le rôle du pastoralisme sur l'environnement : entretien de l'espace, prévention des risques d'avalanche ou d'incendie, protection d'espèces emblématiques…Autrement dit, les loups comme les moutons ont leur place. Or les attaques de loups affectent considérablement le pastoralisme au quotidien et les mesures de protection proposées par l'État remettent en cause ce qui jusque-là était considéré comme " les bonnes pratiques " des bergers. L'auteur est convaincu de la nécessité de mettre en œuvre une politique de gestion active de ces prédateurs pour une coexistence pacifiée entre pastoralistes et protecteurs des loups. Il définit les bases de ce qu'il appelle la " lupotechnie ", et nous emmène sur les chemins de la transhumance provençale qui conduisent bergers et brebis de la plaine de Crau au parc naturel régional du Queyras. Loin de tout folklore archaïsant, il rend compte de la singularité de cette phase d'élevage à la fois difficile et indispensable en présentant le métier de berger d'alpage, dont les conditions de travail et de vie sont finalement assez méconnues.Il s'adresse à des spécialistes de la question : chercheurs en sociologie de l'environnement ou en gestion de l'élevage et institutions chargées de ce dossier sensible. Mais son ouvrage intéressera aussi des lecteurs curieux de mieux comprendre les enjeux environnementaux de l'agriculture.
Essai sur les techniques dans les sociétés pré-machinistes. Texte inédit de André-Georges Haudricourt
Dans cet essai sur les techniques dans les sociétés pré-machinistes, Haudricourt nous communique ses réflexions sur la marche, le lancer, le portage, les manières de grimper, de pousser, de tirer, d'utiliser l'eau, le vent, et bien d'autres gestes observés dans de nombreuses sociétés humaines.Au-delà de la simplification qui consiste à isoler l'objet étudié, les observations d'Haudricourt reposent sur une méthode ethnologique rigoureuse qu'il développe dans son ouvrage inédit jusqu'à présent et qui se présente comme un manuel, complétant les études d'ethnographie descriptive de Marcel Mauss, qui donne les clés d'une observation rigoureuse des techniques du corps humain.
Les auteurs proposent un regard rétrospectif sur une période fondatrice d'une réforme de l'expertise liée aux crises sanitaires des années 1990 ; ils apportent une lecture sociologique des modifications qu'a subies l'expertise scientifique avec la crise de la " vache folle ".La place occupée par la dynamique scientifique du domaine des prions dans les relations entre science et décision publique invite en effet à voir dans la " vache folle " une puissante machine à questionner les modalités et le sens d'une transformation profonde et durable des façons de gouverner les risques sanitaires.C'est tout particulièrement la structuration inédite d'une référence à la précaution, à travers la constitution d'une conscience réflexive des experts vis-à-vis de la fonction politique de leur travail, qui est ici explorée.Un livre éclairant au moment où les grippes à répétitions tendent à construire un état de surveillance généralisée, certes fondé en droit sur des décisions souveraines, mais largement constitué par une expertise scientifique qui traite non seulement des souches virales et des vaccins mais qui anticipe aussi les voies et modalités d'une gestion politique des risques.Fondé sur l'étude sociologique des pratiques des chercheurs-experts à partir des récits et des traces de leurs activités collectives, cet ouvrage apporte une contribution originale qui intéressera autant les chercheurs en sciences sociales que les décideurs.
Dire qu'un animal se comporte à l'égard de ce qui l'entoure qu'est-ce à dire ? Le comportement est constitué par un type de manifestations qui n'appartient qu'à certains vivants ; il forme un flux continu et spontané qu'une étude segmentée détruit nécessairement. Pourtant, ce sont de brèves séquences comportementales isolées au laboratoire que l'on choisit d'étudier. Mais a-t-on encore affaire à un comportement ? Ne l'a-t-on pas ainsi réduit à l'un des éléments qui le composent : les mécanismes physiologiques, le programme génétique, les opérations cognitives, etc. ? Qu'est-ce qu'un animal empêché de se comporter, qui est-il ? On doit alors s'interroger sur les raisons de la prédominance des études de laboratoire et sur les bénéfices qui peuvent être tirés d'une telle production de connaissances. Car ces méthodes décident notamment des conditions de vie de millions de mammifères et d'oiseaux destinés à la consommation.À l'opposé de cette perspective réductionniste, le comportement est compris par les approches phénoménologiques comme l'expression d'une liberté, une relation dialectique avec le milieu. Celles-ci imposent du même coup des conditions d'observation en milieu naturel. Comment, dès lors, élaborer une éthologie plus juste, tant du point de vue de la compréhension du comportement que de celui des besoins, au sens large, des animaux placés sous la domination de l'homme ?
L'artisanat marocain est immanquablement associé à une image féerique au centre de laquelle trônent des artisans aux savoir-faire ancestraux. Spécialisés dans la confection d'ustensiles de ménage et de mobilier en laiton, les artisans dinandiers de Fès n'échappent pas à cette vision stéréotypée. Cependant, la réalité de la majorité des dinandiers et des artisans marocains ne se réduit pas à celle de la poignée de travailleurs généralement mis en avant pour faire montre du génie artisanal.Dans ce riche ouvrage, à la fois de recherche, d'érudition et d'expression esthétique, Baptiste Buob donne à voir et à penser le travail des artisans dans sa complexité et son évolution en s'éloignant des pistes erronées de la tradition ou d'une description misérabiliste.L'argument problématique majeur est de démonter le masque idéologique qui, sous le nom d'artisanat, cache des conditions de vie et de travail très dures. Une telle position d'anthropologie critique n'exclut pas une approche très descriptive et analytique du métier.Baptiste Buob pratique ici un exercice devenu rare qui consiste à " tourner autour " de son objet, à en explorer les facettes, les dimensions économiques, sociales, historiques et techniques, ainsi que les conceptions vernaculaires des artisans.Étude de référence sur les dinandiers de Fès, cet ouvrage dresse un portrait éloquent de la situation contemporaine de bien des artisans pris en tenaille entre la patrimonialisation de leurs produits et l'évolution capitaliste de leur industrie.Les quatre films du DVD qui accompagnent l'ouvrage composent bien plus que de simples illustrations : films et livre sont à la fois autonomes et complémentaires. L'enquête et la réalisation filmiques ont été le principal instrument d'investigation, le pivot de la recherche, car ce que décrivent les films est à la base de l'édifice de la dinanderie : le travail humain, le geste et l'objet travaillé.
Pour une sociologie pragmatique des choix alimentaires émergents
Doit-on relier le succès des produits biologiques au seul contexte récent de crises et de controverses alimentaires ? En fait, les interrogations des mangeurs sont non seulement d'ordre sanitaire, mais aussi diététique, gustatif et éthique. Face à ces incertitudes, certains, les mangeurs bio puristes, délèguent totalement leurs choix au label bio. Mais dans leur grande majorité les consommateurs bio sont irréguliers dans leur choix bio, et ouverts à d'autres solutions : ce sont des mangeurs bio intermittents. L'étude de leur cas nous fait accéder à la complexité et à la variabilité des pratiques alimentaires contemporaines. Pour les décrire, l'approche proposée combine l'analyse de leurs trajectoires et l'analyse pragmatique et microsociologique des rapports entre ces mangeurs et leurs aliments, ce qui permet d'appréhender les variations du degré de réflexivité de l'acte alimentaire et de l'incertitude ressentie par les mangeurs sans basculer dans un relativisme peu constructif. S'opposant aux figures d'un consommateur " zappeur " et déstructuré ou, au contraire, déterminé par son appartenance sociale, l'ouvrage défend la thèse d'une réflexivité routinière.Cette analyse relie aussi les pratiques des mangeurs et celles des filières agroalimentaires, d'ordinaire déconnectées du fait des découpages classiques des disciplines scientifiques. L'étude de systèmes agroalimentaires alternatifs met en exergue des formes possibles de construction de la confiance : ouvrir la " boîte noire " de la production alimentaire, créer des espaces de négociation entre producteurs et consommateurs et même des formes de partage des incertitudes, " ré-attacher " les produits à la nature par le respect de leurs irrégularités. Cela conduit aussi à discuter les limites de la relocalisation des systèmes agroalimentaires, notamment en termes d'équité sociale, et, plus largement, les dimensions politiques de la consommation alimentaire.