Le confinement humanitaire fait référence à l'étude des lieux et des dynamiques qui limitent, modifient ou proscrivent certaines formes de mobilité ou d'immobilité des destinataires de l'action humanitaire. La mobilisation de ce concept permet de développer une approche plus compréhensive des modes de gouvernement humanitaire des mobilités, en articulant des échelles différentes et des dispositifs de pouvoir variés, de nature plus ou moins coercitive et diffuse. S'il englobe donc les structures d'enfermement où les restrictions de mouvement sont presque absolues, ce volume propose d'inscrire ces formes de rétention et de détention humanitaires au sein d'une typologie plus large et flexible, qui inclut également les centres d'accueil pour personnes demandeuses d'asile en Europe, les camps de réfugié·es du Sud global, les espaces frontaliers, les zones d'attente dans les aéroports, voire même certains espaces urbains de relégation.
Le rapport que chacun et chacune entretient au portrait est devenu ordinaire,proche d'une expérience totale. Les portraits peuvent relever dessciences sociales ou proposer des échappées belles, permettre de décrire,conduire à la médiation, pousser à enjoliver ou signifier un contrôle. Parfois,ils saisissent les détails de ce que dit une vie, souvent ils la débordent,d'autres fois ils sont prétexte à un questionnement des méthodes. Dansce dossier, il s'agit à la fois d'observer quelques permanences, impermanenceset transformations des usages, représentations et pratiques duportrait, tout en portant attention aux instrumentalisations et permissionsqu'il opère.
Depuis les années 1980, des anthropologues originaires d'Afrique, d'Amérique latine, d'Asie ou des Balkans mènent des recherches de terrain en Europe de l'Ouest. Leur démarche marque une " inversion " du mouvement associé à l'anthropologie moderne, voyant des ethnographes occidentaux prendre les sociétés du reste du monde comme autant d'énigmes à déchiffrer par l'enquête. Cependant, les travaux de ces anthropologues demeurent souvent méconnus. Ce dossier, s'ancrant dans une perspective réflexive, est consacré à ces ethnographies que nous proposons de qualifier de " non-alignées ". Les auteurs y reviennent sur la manière dont différentes hiérarchies sociopolitiques ont façonné leurs options théoriques et méthodologiques ainsi que leurs parcours académiques. Que se passe-t-il quand les Européens deviennent des " indigènes " sous la plume d'anthropologues venus de leurs anciennes colonies ou de régions périphériques ?
Les médiateurs de la globalisation évoluent entre les marges et les centres, agissent aux croisements d'une pluralité de champs sociaux où ils se font l'écho d'injonctions morales plus ou moins impératives, générant des tensions politiques et idéologiques parfois vives. Ces figures d'influence, symboliques et réelles, bousculent les schémas établis, pour imposer de nouveaux langages et tissent des liens entre des acteurs politiques, économiques et moraux divers, participant à des processus de co-construction d'identités et d'imaginaires collectifs. Plusieurs cas de figure nous transportent successivement du Maroc aux États-Unis, en passant par le Liban, la Suède, la France, le Cameroun et l'Indonésie. Explorant des domaines aussi divers que le religieux, le militantisme associatif, le développement ou encore l'anthropologie elle-même, les auteurs mobilisent un ensemble de médiations qui révèlent des questionnements brûlants au cœur des changements sociaux.
Marc-Henri Piault (1933-2020) ethnologue africaniste fut une figure incontournable du développement de l'anthropologie visuelle en France et au Brésil. Sa contribution de nature réflexive et critique a enrichi nos connaissances sur les transformations des sociétés africaines depuis la période précoloniale jusqu'aux indépendances.Dans ce volume sont rassemblés quelques hommages de ses collègues et ami.e.s décrivant des expériences collectives de terrains, d'enseignement et de recherche.Deux textes de Marc-Henri Piault encadrent ce hors-série. Le premier sous le titre " Cette singulière différence ", toujours d'actualité, est l'introduction au premier colloque international de l'AFA Vers des sociétés pluriculturelles (1987), le dernier est une traduction inédite de son article fondateur pour l'anthropologie visuelle brésilienne " L'anthropologie et le "passage à l'image" " (1995).L'Association française des anthropologues et le comité de rédaction du Journal des anthropologues dédient ce numéro à celui qui fut conjointement son président et responsable de publication.
Marges sociales : marchés, productions – Le marché des marges sociales
Dans leurs modes de production, de gestion et de légitimation, les nombreuses catégorisations des acteurs qui peuplent les " marges sociales " interpellent les anthropologues. Comment appréhender ces marges dans les sociétés actuelles où la précarisation et la stigmatisation fabriquent, en leur cœur même, en nombre croissant, des " marginaux " économiques et sociaux? Quelles sont, malgré l'imposition des dispositifs de gestion, les stratégies des acteurs, leurs capacités de négociation et leurs logiques de subjectivation? Dans une perspective comparative, ce dossier donne à voir des figures diverses des marges sociales et permet de comprendre le poids des dispositifs managériaux et sécuritaires qui les encadrent. Salariés, bénévoles ainsi que tous ceux qui bénéficient des services ou en sont exclus mettent en lumière, malgré tout, des lignes d'émancipation sociale.
Des téléologies globalisantes et de nombreux discours et analyses ont largement insisté sur les potentiels renouvellements des mondes du travail. Comment celles et ceux qui y sont directement impliqués pensent-ils et vivent-ils le travail? Quelles sont les modalités de subjectivation dues au travail ou produites à son propos? Traduisent-elles une intériorisation des conditions, normes et places imposées? Ou alternativement manifestent-elles des tentatives d'aborder le travail en inventant de nouvelles formes? Tels sont les questionnements au centre de ce dossier qui regroupe dix contributions issues de recherches de terrain portant sur des métiers et des configurations de travail très divers. Leur rapprochement dessine un tableau contrasté de subjectivations en travail, tendues vers des horizons d'attente multiples: de la mise aux normes des corps au travail à la quête de reconnaissance, en passant par la tentative de s'émanciper des cadres organisationnels classiques pour inventer, parfois, des horizons politiques alternatifs.
Les statuts idéologiques de la violence ont évolué considérablement depuis la fin de la guerre froide et ce n'est que récemment que l'élimination de la violence se révèle un enjeu majeur de pacification des rapports sociaux, politiques et environnementaux mais aussi des relations interpersonnelles. Paradoxalement, les situations de terreur et de violences se font plus visibles, plus intenses, sous le coup de dénonciations de tous bords. Parce que tous les terrains mettent en scène des violences diverses et, aujourd'hui, sont placés sous lutte antiterroriste, les anthropologues s'efforcent d'analyser les réponses diverses et inattendues des sujets s'adaptant à cette situation sous contrainte nouvelle. Se défaire des évidences matraquées quotidiennement par les médias, se pénétrer de la multiplicité des logiques en jeu, se laisser destabiliser par la confrontation des configurations et des acteurs, tel pourrait être en résumé le message que transmet cet ensemble de textes qui, sur tous les continents, traduisent autant l'impuissance que la puissance des violences et des terreurs.
L'anarchisme s'invite de façon de plus en plus visible dans le champ de l'anthropologie. Ce dossier bilingue et internationaliste rassemble des contributions de chercheurs engagés dans la voie d'une anthropologie critique qui actualise les débats méthodologiques et idéologiques du mouvement de Mai 68. Ceux-ci touchent aux structures du pouvoir, aux espaces d'autonomie et d'entraide, aux marges et aux diverses façons de rejeter des normes.