Cet ouvrage est le récit ethnographique, nourri par la photographie, des pratiques d'appropriation de l'espace et d'engagement politique observées au sein de trois groupes sociaux qui cohabitent dans le grand ensemble de Marzahn, à la périphérie de Berlin-Est, depuis la réunification : l'ancienne Intelligenz déclassée, les familles populaires et les Aussiedler. Il apporte trois éclairages sur la société allemande contemporaine et la forme urbaine des grands ensembles. Il décrit d'abord les effets sociaux et spatiaux des transformations post-socialistes à l'Est de Berlin. Il propose ensuite, en s'appuyant sur la longue tradition de recherches françaises dans les grands ensembles, un regard décalé sur la situation allemande. Enfin, il rend compte de la recomposition du rapport à la politique en Allemagne de l'Est, 20 ans après la chute du mur.
En Allemagne, le passé nazi ne passe pas. Sujet de débats publics intenses, l'angoisse de l'amnésie impose un " devoir de mémoire " aux institutions, qui s'exprime, entre autres, par des politiques de commémorations et d'enseignement scolaire. Mais que font les gens ordinaires de ce passé ? À l'heure du nouveau millénaire, compte-t-il encore pour les jeunes Allemands ou veulent-ils " passer à autre chose "?Inspiré de la sociologie et de l'histoire du quotidien, ce livre analyse " par le bas " les usages que font du passé nazi des adolescents âgés de 14 à 18 ans dans quatre institutions scolaires, de quartiers bourgeois et populaires, à l'Ouest (Hambourg) et l'Est (Leipzig) de l'Allemagne.Combinant observation, entretiens et travail d'archives, cette enquête rend compte des représentations et pratiques des élèves selon leur sexe, leurs trajectoires scolaire, sociale et familiale, notamment de migration, et selon différents contextes : en classe, en famille ou dans l'entre-soi des groupes d'adolescents. S'intéresser aux sens que les adolescent-e-s donnent au passé nazi dans leur vie quotidienne permet d'observer avec finesse la construction progressive de sens politique chez des profanes à un moment clé de leur existence.La complexité de ces appropriations de l'histoire montre l'interdépendance des différentes scènes sociales qui articulent les représentations ordinaires du passé. Mais elle pose aussi plus largement, dans l'Allemagne réunifiée, la question de la place de l'histoire du nazisme dans la société.
Itinéraires d'exilés germanophones au Canada après 1933
Le régime national-socialiste fut à l'origine d'une vague de migration de personnes fuyant l'Allemagne et les régions annexées par elle. Pour beaucoup, l'" exil " n'est pas resté un état provisoire, mais s'est transformé en une émigration durable.Si les États-Unis ont fait l'objet de nombreuses études sur l'acculturation des exilés, le Canada était en revanche encore largement ignoré, notamment parce qu'il n'a pas accueilli de personnalités emblématiques, mais plutôt des personnes " ordinaires "... aux parcours de vie extraordinaire. Entre 1933 et 1940, moins de 6 000 exilés au total ont pu entrer au Canada, qui pratiquait alors un politique très restrictive en matière d'immigration.Le présent ouvrage est ancré dans la micro-histoire et la sociologie des migrations. Il a pour objectif de comprendre les processus d'acculturation et les modalités de redéfinition identitaire chez des exilés qui se sont trouvés pris dans un réseau d'interactions culturelles croisées, entre les attentes de la société d'accueil, celles des communautés ethnoculturelles au Canada et les sociabilités héritées de la Heimat.Non seulement l'auteur a rassemblé des sources d'archives variées, notamment dans des fonds canadiens, mais il a également rencontré les exilés eux-mêmes. Leurs récits de vie témoignent de la complexité de la mémoire migrante.
Colloque organisé par le Centre interdisciplinaire d'études et de recherches sur l'Allemagne, 2-4 déc., Paris
Les débats actuels sur la situation des langues en Europe souffrent d'un déficit de réflexion. La position dominante de l'anglais et le recul conjoint du français et de l'allemand en Europe sont perçus comme les marques d'une évolution inéluctable face à laquelle les volontarismes politiques seraient impuissants. L'ouvrage invite à réfléchir au fonctionnement et aux implications des choix linguistiques à travers une série de questions : qu'est-ce qu'une langue prise non pas comme système organisé de signes, mais comme réalité sociale et culturelle ? Comment cette réalité s'articule-t-elle sur les pratiques tant individuelles que collectives ? Quelles représentations informent ces pratiques et à travers quelles institutions sont-elles élaborées, transmises et reçues ? Les réponses proposées partent toutes du même constat : il faut dépasser la vision de "l'exception linguistique française". L'attention portée à des terrains "atypiques" comme la Suisse ou la Belgique ou encore l'insistance sur la profondeur historique des rapports entre langue, culture et politique en Europe sont autant de propositions qui décentrent le débat sur les pratiques linguistiques. Par là même, elles visent à redéfinir les conditions — et les limites — d'une action publique soucieuse des principes d'une société démocratique.
Au moment de la réunification, en 1990, la réputation du théâtre est-allemand n'est pas à faire. Elle s'incarne, entre autres, dans l'héritage de Brecht, dans la rigueur d'une formation théâtrale ou encore dans la renommée de certains ensembles. Néanmoins, le monde théâtral est-allemand connaît des bouleversements après l'effondrement du régime socialiste. Certes, les deux Allemagnes disposent d'un passé culturel commun, qui se traduit notamment par l'existence d'un tissu théâtral public organisé autour de troupes fixes, mais les différences organisationnelles restent flagrantes. Elles se manifestent d'autant plus que les conditions de la réunification imposent, ici comme dans d'autres domaines de la vie sociale, l'application des règles ouest-allemandes. L'ouvrage dresse un état des lieux du théâtre est-allemand dix ans après la réunification. Le travail d'enquête mené par l'auteure en Saxe, en Thuringe et dans le Brandebourg permet de retracer le lent processus de restructuration du monde théâtral de l'ex-RDA. À travers le prisme des destins individuels et des recompositions structurelles, l'auteure interroge d'abord l'originalité de la transition est-allemande. Mais le choc de la réunification pose aussi plus largement la question de la place de l'art et des artistes dans la société.
Inspiré par le modèle weberien de réflexion sur le rapport entre le savant et le politique, l'ouvrage analyse les changements survenus entre les politiques d'action publique et les sciences sociales depuis la constitution de l'espace européen. Les contributions portent sur les institutions de la France et de l'Allemagne, deux vieilles nations européennes où l'État-nation a joué un rôle prépondérant. La constitution de l'Europe et, plus généralement, d'un ordre économique mondial ont profondément bouleversé les rapports traditionnels entre l'État et les experts chargés de penser l'action. C'est d'abord la primauté même de l'État qui est remise en question. Comment, par conséquent, penser autrement les actions politiques ? Selon quels nouveaux paradigmes ? Quel est alors le rôle spécifique des sciences sociales dans ce renouvellement du cours du monde ? Telles sont les questions abordées dans le volume par les historiens, politistes, économistes et sociologues.