S'il est malsain pour une société donnée de ressasser continuellement le passé, il peut être tout aussi nuisible pour elle d'avoir une mauvaise mémoire. Les peuples comme les hommes ne peuvent pas vivre sans être un tant soit peu en paix avec leur mémoire.Ils ne peuvent pas vivre dans le refoulement. Aussi longtemps qu'un travail sur le passé n'est effectué, le présent peut être gangrené par des retours néfastes. La gestion mémorielle d'événements historiques, de tragédies, de drames reste donc un questionnement très complexe.Une solution se trouve dans la quête d'une " juste mémoire ", formulation empruntée à Paul Ricœur dans La mémoire, l'histoire, l'oubli – ce fragile équilibre entre l'évaluation historique selon la pluralité des mémoires et la nécessité d'une distanciation critique – car, à condition d'écarter des malentendus propices aux polémiques, les abus d'oubli paraissent, en effet, aussi toxiques que les abus de mémoire. De la Rome antique à nos jours : sur la base de la longue durée, les textes présentés par une équipe internationale de chercheurs tentent ainsi de faire avancer le débat.
Pourquoi les relations franco-allemandes ont pris une tournure fondamentalement différente après 1945, comparé à l'époque d'avant ? Alors que nombre de problèmes (la question des frontières, le besoin de sécurité, la Sarre, la Ruhr, les réparations…) réapparaissent après la guerre, il devient possible de surmonter ces obstacles à l'entente franco-allemande. Est-ce que les expériences communes qui ont permis cette entente peuvent fournir les clés pour généraliser la transformation de relations conflictuelles entre voisins ? Et en quoi consistent ces " expériences " franco-allemandes, quels sont alors les éléments structurants qui permettent de les généraliser ?A travers des chapitres analytiques, des études de cas et des tentatives de transposition, il parait que si la volonté politique et les structures géopolitiques sont des facteurs décisifs pour expliquer la situation particulière de l'après-guerre en Europe, deux autres éléments sont plus facilement transposables : la coopération structurée dans le cadre d'un ordre institutionnel permet (et oblige) à trouver des compromis politiques en permanence. Associer la société civile à ce cadre institutionnel, de manière à élargir les rencontres, les intérêts communs et les dépendances mutuelles, permet de fonder la réalité de ces relations dans la société. Ainsi se dessinent les bases de ce qui pourrait bien constituer le début d'une forme de " paix perpétuelle ".
Conflits et résolution de conflits à travers les âges
" Toute cette histoire est un ramas de crimes, de folies, et de malheurs, parmi lesquels nous avons vu quelques vertus, quelques temps heureux, comme on découvre des habitations répandues, ça et là dans des déserts sauvages. " Le jugement par lequel Voltaire terminait son Essai sur les mœurs en 1756 paraît, à bien des égards, encore d'actualité. Les conflits civils et les conflits externes se succèdent, se croisent, posant toujours la question de leurs origines et de leur résolution.Les contributions regroupées dans ce volume proposent un regard transhistorique large sur ce sujet. De la Grèce antique au Canada contemporain en passant par l'Europe d'Ancien Régime, les auteurs examinent la pérennité de certaines attitudes, l'évolution de certaines situations. Les États et sociétés réfléchissent sans cesse aux états de guerre et de paix, tant sur le plan des pratiques que de leur verbalisation, tant sur le plan national qu'international. La guerre se vit maintenant au quotidien, grâce entre autres à la force des nouveaux médias sociaux, qui, parfois, se substituent aux institutions politiques et judiciaires traditionnelles. Mais l'arrivée de ces nouvelles technologies dans nos vies ne peut changer brutalement nos façons de penser et d'agir – ce que les historiens appelaient les " mentalités " il y a peu de temps encore.Les textes présentés par une équipe internationale de chercheurs offrent donc l'occasion de réfléchir, sur la base de la longue durée, sur une réalité d'aujourd'hui : comment faire pour revivre ensemble et revivre avec les autres aux lendemains de conflits de base ou de haute intensité.