Les sciences du langage et de la communication ont pu montrer que, dans toute activité discursive, réside un décalage entre le dit et le vouloir dire. Cela revient à représenter la signification de la phrase comme divergeant du sens communiqué. Ce sens, que l'on peut qualifier d'implicite, de non-dit, de non-littéral, d'indirect ou encore de figuré doit en effet être pris en compte pour accéder au vouloir dire du locuteur. Des disciplines telles que la pragmatique et la rhétorique ont permis de définir les différentes formes implicites rencontrées dans la langue naturelle et surtout de décrypter les stratégies mises en œuvre en production et en réception. Cet ouvrage fait le choix de porter un regard pluridisciplinaire sur cette thématique en rassemblant des chercheurs issus de domaines variés afin de croiser les regards sur des problématiques tant théoriques qu'appliquées: comment peut-on représenter les différentes strates de la signification impliquées par l'émergence d'un contenu implicite? Qu'est-ce qui motive l'emploi de formes implicites? Est-ce la possibilité de se retrancher derrière le dit? Est-ce la volonté de susciter l'adhésion en construisant des représentations figuratives chez le destinataire, ou en faisant appel au sens commun? Comment et de quelle façon se manifestent les formes et mécanismes de l'implicite selon les langues? De quelle manière le traducteur (ou l'adaptateur, dans le cas de la traduction audio-visuelle) doit, ou peut, rendre l'implicite dans le matériau linguistique d'arrivée? L'objectif est ici de faire en sorte que les linguistes, les traductologues aussi bien que les didacticiens puissent trouver réponses à ces questions transversales et nourrir leurs propres interrogations.
Que leur visée soit pédagogique ou critique, les théories du style présentent une orientation normative très marquée. Elles cherchent avant tout à imposer une définition du " bon style " et à rejeter ce qui s'y oppose dans un espace trouble, celui de l'incorrection et du ratage. Le défaut trouve pourtant sa place dans la réflexion stylistique. Contre-exemples, polémiques à l'égard de théories concurrentes ou de praticiens honnis, analyses cruelles ou voulues telles d'œuvres considérées comme vicieuses: au-delà de la verve propre à la dénonciation des fautes de style ou de goût, le défaut permet d'affiner les prescriptions stylistiques et d'enrichir le jugement critique. Il devient un outil permettant d'expliciter et de renforcer la norme. Mais l'infraction stylistique peut aussi, à l'inverse, venir menacer la norme. Si elle est volontaire et assumée, elle entre alors en concurrence avec le " bon style " dans un mouvement visant à imposer un modèle artistique neuf. Le présent volume – issu d'un colloque de même titre qui s'est tenu à Paris en janvier 2013 – a pour objets cette dialectique et la faculté des artistes, des praticiens et des techniciens à porter un regard historicisé sur eux-mêmes, sur leurs productions et sur le champ dans lequel ils s'inscrivent. Il contient vingt études de cas, dans des champs disciplinaires variés (rhétorique, études littéraires et linguistiques, philosophie, théâtre, cinéma, arts plastiques) et des espaces culturels divers, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours.
La linguistique contemporaine, dans son immense majorité, admet comme une évidence le principe selon lequel la relation de la forme (" le signifiant ") au sens (" le signifié ") est arbitraire. Ce choix théorique repose sur une illusion fondée sur une certaine conception de la langue, selon laquelle l'unité significative privilégiée est le morphème (on ne voit effectivement pas de motivation naturelle à désigner spécialement par le mot nez cet appendice bien connu). Cet ouvrage démontre que l'élément minimal significatif est en réalité le trait phonétique, composante du phonème (lui-même constituant du morphème), lequel, en tant que propriété articulatoire, établit un lien naturel (donc non arbitraire) avec le signifié : ainsi, le mot nez et tous ceux qui concernent cet appendice comportent-ils le trait [nasal] et ce non seulement en français mais aussi dans la plupart des autres langues, sans qu'un lien typologique entre elles puisse être invoqué. Là gît l'innovation de la théorie défendue ici : l'hypothèse (démontrée empiriquement) que le trait phonétique est pertinent pour représenter la structuration lexicale. Ainsi émerge un nouveau paradigme au sein des sciences du langage, fondé sur le postulat que les formes n'ont rien d'arbitraire relativement aux significations.
Les discours polémiques : aspects sémantiques, stylistiques, énonciatifs et argumentatifs
Très généralement, la polémique est conçue comme un objet de nature verbale, construit avec des mots et des phrases. Cet édifice verbal suppose l'existence de deux débatteurs/polémistes, deux énonciateurs qui occupent des positions antagonistes mais partagent les mêmes centres d'intérêt et domaines de connaissance. Le texte polémique met en œuvre des caractères sémantiques, rhétoriques énonciatifs et argumentatifs dont la visée pragmatique est la disqualification de la cible et la mise à mort de l'adversaire. Dans cet ouvrage qui réunit des chercheurs spécialistes de linguistique, de littérature, de philosophie, d'informatique et d'histoire, nous avons exploré le rôle des mots dans les conflits langagiers, depuis l'Antiquité et la Renaissance jusqu'au XXIe siècle. Le champ politique ainsi que le champ social et religieux sont particulièrement concernés par cette réflexion : selon les époques, des mots sont le motif de déchirements passionnels. De même, le discours littéraire est investi, détourné vers des fins très intéressées : poésie " engagée " dans les luttes religieuses ou politiques, formes narratives satiriques. Enfin nous avons examiné la manière dont les médias ne se contentent pas de retransmettre les polémiques entre leaders politiques ou personnalités du champ intellectuel, mais contribuent à leur développement. De fait, en quoi les mots fonctionnent-ils comme les adjuvants du polémiqueur ? Quelle place occupent-ils dans le déclenchement et la fusion volcanique qui accompagnent la polémique : procédés de disqualification, vitupérants, mots polysémiques, dénominations et collocations corrosives ? En quoi ces mots sont-ils des détonateurs, des armes de guerre ?
Sa place dans les sciences du langage et de la communication
L'analyse de discours depuis de nombreuses années représente un champ de recherche commun aux Sciences du langage et aux Sciences de l'information et de la communication. Patrick Charaudeau a été un des principaux acteurs de cette alliance en réunissant et fédérant au sein du CAD (Centre d'analyse du discours, université Paris 13) des chercheurs venus d'hori- zons divers (sémiotique, psycho-sociologie, sémiologie audiovisuelle) pour les faire intervenir de façon autonome mais aussi collaborative sur des objets communs passés au crible de ces différents axes de pertinence. Cet ouvrage témoigne de ce parcours singulier et fécond tout en se conformant à l'esprit non pas révérencieux mais capitalisant et prospectif de cette interdisciplinarité focalisée pour laquelle le chercheur a toujours milité. Des spécialistes reconnus de ce domaine explicitent à partir de leur spécialisation respective les atouts de l'analyse de discours à la jointure de multiples champs de recherche et de territoires délimités par des préoccupations sociales. Cette réunion de contri- butions derrière son caractère convivial et amical s'est fixée un certain nombre d'objectifs et entre autres celui de se faire l'écho de divers questionnements; le positionnement de l'analyse du discours entre l'analyse des conversations et l'analyse textuelle, le rôle de l'analyse du discours dans l'étude des phénomènes de persuasion et d'influence sociale, les différentes approches de la question de l'identité du sujet et enfin l'étude des médias comme discours verbal et visuel. Et comme nous le rappelle Patrick Charaudeau dans une contribution synoptique " la lutte continue! ".
Ce volume est consacré à l'étude d'un type de phrase complexe, la subordonnée, à la suite de travaux d'équipe et d'une journée consacrée à la subordination, ouverte à des chercheurs extérieurs. Son originalité consiste à croiser différentes disciplines des sciences du langage: la linguistique sur corpus, l'acquisition et la didactique des langues, maternelles et étrangères. Il ne prétend pas couvrir la totalité des propositions subordonnées, mais se concentre sur les relatives, ainsi que certaines circonstancielles (de temps, cause/conséquence et but), particulièrement représentées dans les textes recueillis, afin de mieux cerner leurs emplois en contexte. Une perspective comparative inter-langues, à travers des corpus diversifiés en français L1 et L2, anglais L1 et L2, et en polonais et allemand L1, nous donne en outre un aperçu des procédés partagés entre les langues et des aspects spécifiques à une langue. La variété des approches et des domaines convoqués permet de voir comment un même phénomène linguistique, tel que la relative, est traité dans les ouvrages de référence (grammaires, manuels) et les pratiques pédagogiques, mais aussi par les locuteurs eux-mêmes, à travers l'usage qu'ils en font en français. Les corpus écrits ou de langue parlée, d'enfants en LM ou d'apprenants en LE, nous éclairent sur le fonctionnement de ces subordonnées en discours et sur les problèmes soulevés par leur mode de présentation et d'utilisation en classe de langue. L'ouvrage s'adresse à tous ceux qui s'intéressent aux langues –linguistes, didacticiens et acquisitionnistes– et aux curieux qui désirent s'enrichir au contact de champs de recherche connexes et complémentaires.
Le temps est une notion éminemment complexe. L'encre qui a coulé sur le sujet a garni bien des pages. Que ce soient les philosophes, les physiciens, en passant par les poètes et les romanciers, tous les esprits curieux se sont intéressés à ce concept en tentant, à défaut de pouvoir le saisir, de l'appréhender pour le décrire et comprendre son lien à l'homme. C'est lorsqu'il s'inscrit dans la langue que le temps éveille la curiosité des linguistes. La langue concernée ici est la langue des signes utilisée par la communauté des Sourds de Belgique francophone (LSFB). Cette étude prend pour objet la façon dont le temps est exprimé en LSFB et s'appuie sur des recherches de même type conduites sur d'autres langues des signes (LS). Il est majoritairement entendu que ces langues ne disposent pas de paradigme verbal pour le temps. Par contre, elles présentent un système flexionnel aspectuel extrêmement riche qui semble, dans bien des cas, suppléer la flexion temporelle. Des ressources spécifiques sont par ailleurs sollicitées pour exprimer les informations de temps: des lignes du temps, des items lexicaux de type adverbial, certains marqueurs spécifiques, le recours à des pointés, le rôle de la main passive et celui des composantes non manuelles que sont les mouvements du corps, de la tête et l'expression faciale. Ces multiples facteurs s'articulent sous différentes combinaisons et construisent un système de référenciation temporelle riche et complexe. Ce sont ces multiples éléments qui ont été étudiés en LSFB dans un ample corpus composé de trois catégories de discours: narratif, conversationnel et descriptif. La principale particularité observée réside dans le fait que les marques de temps sont pour ainsi dire absentes des narrations, comme si celles- ci étaient ancrées hors du temps, suspendues dans le monde intemporel de l'imaginaire. Ce travail représente la première étude discursive menée sur la LSFB et ouvre la voie à de nombreuses questions relatives au temps, à l'aspect ainsi qu'aux critères définitoires des catégories de discours.
Toute langue vivante renouvelle de façon permanente son arsenal lexical. La nécessité de désigner de nouvelles réalités contribue en grande partie à la créativité lexicale. Mais la recherche de l'expressivité entraîne aussi une activité néologique. Dans tous les cas, la capacité de créer de nouveaux mots est un indice de la vitalité d'une langue. Parallèlement, les procédés pour créer de nouveaux mots sont nombreux et très variés : morphologiques, syntaxiques, phonologiques, sémantiques. Les emprunts, adaptés ou non à la langue d'adoption, font aussi partie des mécanismes néologiques. L'objectif de cette étude est double. Elle s'attache à analyser un procédé néologique très particulier, la troncation, qui est un mécanisme fortement marqué par son caractère spontané et qui consiste à réduire les unités lexicales par abréviation, acronymie ou siglaison. Elle cherche aussi à comparer la créativité lexicale par troncation dans deux langues romanes très proches géographiquement mais très différentes d'un point de vue sociolinguistique, l'espagnol et le catalan, et ce pendant une période bien limitée qui va de 2008 à 2010. Cette étude s'appuie sur une base de données constituée d'un double corpus lexical de 604 entrées pour l'espagnol et de 570 pour le catalan qui a été élaborée grâce à l'activité de détection et d'identification de néologismes des réseaux NEOROC et NEOXOC de l'Observatori de Neologia abrité par l'Institut Universitari de Lingüística Aplicada de l'Universitat Pompeu Fabra de Barcelone. L'analyse et la comparaison de ces données nous permettent de décrire l'espagnol et le catalan face au phénomène de la troncation. Ce travail s'adresse donc aussi bien aux romanistes et spécialistes de lexicologie, qu'à tous les enseignants, chercheurs et étudiants intéressés par la capacité créatrice des langues.
Sous la triade Documents, Textes, Œuvres sont rassemblées des contributions qui entrent en dialogue avec les travaux de François Rastier, pour qui articuler les trois termes de la triade c'est réunifier la philologie, la linguistique et l'herméneutique et ne pas séparer les questions d'interprétation des questions formelles et matérielles, sans omettre la question des valeurs, esthétiques et éthiques. Chaque auteur se réfère, directement ou indirectement, à une réflexion théorique majeure dont les applications, les incidences et les enjeux se montrent à travers la diversité des objets d'étude. Ni bilan, ni hommage académique, cet ouvrage dégage de nouvelles perspectives de recherche, à l'heure des corpus et du numérique, ceci dans les directions signalées par les titres des quatre parties qui organisent l'ensemble: Caractérisation, instrumentalisation, données textuelles; Styles, genres, corpus; Régimes de l'interprétation; Sémiosis et complexité textuelles . Le projet d'intégrer la sémantique des textes à une sémiotique des cultures trouve ici toute sa portée méthodologique et épistémologique, il intéresse l'ensemble des sciences humaines et sociales dans leurs pratiques interprétatives. Il en appelle aussi à une déontologie de la recherche.
L'étude de l'écrit scientifique est aujourd'hui en plein essor: elle vise en particulier à mieux cerner ce qui fait la spécificité du langage scientifique et à comparer les rhétoriques disciplinaires. Au centre des investigations menées, il y a la manière dont sont mises en scène, dans le lexique et le discours, les procédures de découverte et de validation des connaissances. L'ouvrage s'appuie sur un ensemble de recherches effectuées à partir du corpus SCIENTEXT, corpus en français et en anglais développé par plusieurs équipes de chercheurs sous la responsabilité du laboratoire LIDILEM à Grenoble III. Deux problématiques sont privilégiées, celle du positionnement de l'auteur scientifique par rapport à ses devanciers et à ses pairs, et celle du raisonnement, tel qu'il apparaît dans l'argumentation ou les chaînes causales. A partir de ces deux entrées principales, une série de thématiques plus spécifiques sont explorées: la phraséologie " transdisciplinaire ", le fonctionnement de la citation, l'utilisation des verbes de constat et des verbes causatifs, la structuration textuelle des écrits scientifiques, sans oublier la question de l'expertise des propositions de communication. D'autres retombées du projet font l'objet de développements comme la construction en cours d'un dictionnaire " pour la science ", la sensibilisation des jeunes chercheurs aux caractéristiques de l'écriture scientifique pour l'anglais et pour le français. Une présentation des caractéristiques de l'outil de requête développé pour le projet est également effectuée.
Ce volume est consacré à l'expression linguistique des sentiments et du point de vue : il s'agit de la synthèse de travaux d'équipe et d'une journée qui s'est ouverte à des chercheurs extérieurs. Au-delà de la diversité des approches théoriques, il se propose avant tout de mettre en regard plusieurs langues sur le sujet – français, anglais, italien, polonais, grec, espagnol, allemand – et d'éclairer les études par le biais des différentes entrées qu'offre la science linguistique, notamment le lexique, la syntaxe, la sémantique et l'énonciation. En effet, pour reprendre les propos désormais célèbres d'Emile Benveniste, la subjectivité est partie intégrante du langage et c'est " dans et par le langage que l'homme se constitue comme sujet ". Les sentiments et le point de vue, ce dernier conçu à la fois comme un lieu d'où se construit une attitude du sujet et une manière de positionner le sujet par rapport à ce qui est dit, semblent indissolublement liés, même s'il convient de bien définir les domaines et de fournir des analyses raisonnées. Il s'agit dans ce volume de présenter des études précises de phénomènes linguistiques : en ce sens, les treize contributions qu'il contient sont un aperçu du vaste domaine de recherche évoqué par le titre. L'ouvrage aura rempli ses objectifs si d'une part il fait percevoir la continuité entre les phénomènes décrits, allant des sentiments au point de vue en passant par le discours et l'attitude énonciative, et si d'autre part il démontre l'apport d'une démarche contrastive à l'analyse de phénomènes linguistiques tels qu'ils se réalisent dans la diversité des langues. L'étudiant curieux des faits de langue, le linguiste travaillant en syntaxe ou en linguistique du discours et tous ceux qu'intéressent les questions de traduction et de rapports entre les langues y trouveront matière à alimenter la discussion sur un domaine qui pourrait sinon soit rester très théorique, soit se perdre dans l'anecdote.
Le présent ouvrage regroupe des articles qui traitent de la définition d'objets phonologiques (segments, syllabe, semi-voyelles, schwa), morphologiques (phase, prosodie, rime) et syntaxiques (structures/constructions, ordre). Chaque contribution porte sur un terrain empirique particulier (du berbère au breton en passant par le français et ses variétés, l'allemand, le portugais, des langues peu explorées, comme le mazatec et le mehri) dont la description permet de tester ou de développer de nouvelles solutions théoriques. Les contributeurs à ce volume sont des collègues et des étudiants devenus collègues qui rendent hommage à Jean-Pierre Angoujard, professeur émérite à l'université de Nantes. La diversité dans le choix des terrains, des phénomènes analysés (acquisition, lapsus, umlaut, dislocation, doublement syntaxique) et des approches théoriques témoignent de l'influence directe, par ses enseignements, et indirecte, par ses ouvrages et ses apports sur les plans théorique et empirique, de Jean-Pierre Angoujard.