Cet ouvrage réunit les actes du colloque tenu dans l'abbaye de Solignac du 20 au 22 septembre 2018. Il s'agissait d'une troisième rencontre ayant pour but une exploration pluridisciplinaire des établissements religieux du Limousin ayant connu leur gloire à l'époque médiévale, après Saint-Martial de Limoges et Saint-Yrieix. Parce que le colloque a tenu ses promesses en matière d'échanges, il est apparu indispensable de commanditer d'autres études, ainsi des éditions de sources supplémentaires ou des relevés enfin exacts permettant de mieux lire l'abbatiale et son contexte urbain.Le monastère bénédictin dispose de grands atouts pour prendre une place plus qu'honorable dans la grande Histoire. Les fonds textuels sont importants, y compris pour le Haut Moyen Âge; les fonds iconographiques ne sont pas moins exceptionnels, y compris pour l'Époque moderne.Si ce recueil invite à mettre à jour la riche historiographie de champs d'étude déjà explorés, s'il met en lumière des sources documentaires jusque-là peu ou pas analysées, il ne peut prétendre résoudre toutes les questions posées. Espérons qu'il encouragera de nouvelles recherches.
Entre Corrèze, Lot et Dordogne, la vicomté de Turenne abrite une quantité tout à fait remarquable de bourgs castraux et ecclésiaux d'origine médiévale. Parmi eux se trouve Turenne, un bourg né vers l'an mil autour d'un énigmatique château carolingien dont l'histoire nus dit qu'il aurait été pris par les troupes de Pépin le Bref au milieu du VIIIème siècle…Situé à quelques kilomètres de Brive-la-Gaillarde, Turenne est d'abord un site géologique, une butte-témoin calcaire qui culmine à 330m d'altitude au-dessus de la vallée de la Tourmente. C'est sur les pentes de ce relief escarpé que se développa au cours du Moyen Âge un groupement d'habitas, dans un premier temps près de l'enclos des vicomtes de Turenne, puis le long d'un cheminement ancien qui reliait Brive à Martel. Aujourd'hui, ces maisons offrent un panorama varié de l'architecture civile du sud de la Corrèze.Certains logis conservent encore en façade des vestiges médiévaux (ici une porte en arc brisé, là un couple de baies géminées…), d'autres sont plus marqués par la Reconstruction qui a eu lieu après la guerre de Cent Ans. Ces maisons de la " deuxième génération " ont un trait commun: la plupart sont dotées de spectaculaires tours hors-oeuvre ou demi-hors-oeuvre, à l'intérieur desquelles ont été aménagés des escaliers en vis. Peuplé d'officiers, de notaires, mais également de nombreux paysans, commerçants et artisans (des cordonniers, des tisserands, des tailleurs…), le chef-lieu de la vicomté était aussi un site fortifié, doté de trois enceintes construites entre les années 1100 et les Guerres de Religion. Raconter Turenne par le biais de ses maisons était finalement une occasion unique d'aborder ce lieu à travers ses habitants, en somme de revenir aux sources même de l'Histoire.
Chroniques, horloges, nostalgies, prospectives du XIe au XXIe siècle
Chaque époque a une manière qui lui est propre d'habiter le temps: de mesurer le temps qui passe et celui qui est passé, d'instrumentaliser le passé pour mieux tirer parti du présent, de rêver ou de craindre le futur. Comment les habitants du Limousin, au cours de l'histoire, ont-ils habité leur temps?Mesurer le temps. Comment les chroniqueurs médiévaux parvenaient-ils à débrouiller l'écheveau des siècles passés? Comment la succession des événements politiques du royaume venait-elle scander les registres des consuls de Limoges? Le temps du juge et celui de l'assassin pouvaient-ils s'accorder sur l'heure du crime? Et comment, faute de pendule à la maison, les enfants des villages éloignés du chef-lieu arrivaient-ils à l'heure à l'école? Et de quelle heure parle-t-on? Celle du soleil, bien sûr, sauf que chaque commune avait la sienne!Et puis il y a les usages que l'on fait du passé, de la lecture que l'on en donne – généralement celle qui vous arrange, que ce soit dans le cadre d'un procès familial ou d'une politique. Lorsqu'une église médiévale intégrait des remplois d'édifices antérieurs, c'était pour mieux affirmer l'ancienneté de sa fondation (et les historiens de l'art doivent se débattre avec ce mélange des époques). Comparable était la motivation des bâtisseurs de châteaux néo-gothiques: auréoler du lustre du passé une position sociale. Les édiles municipaux, quant à eux, s'efforçaient plutôt de détruire les encombrants vestiges pour construire une ville moderne, tournée vers l'avenir. Au tournant des XXe et XXIe siècles, le Limousin fut pionnier en matière de prospective régionale; et il s'avère que cette démarche appartient déjà au passé...Le Limousin a-t-il fait preuve d'originalité dans son rapport au temps? Rien ne le prouve, mais on souhaiterait vivement que d'autres études régionales viennent lui donner la réplique.
Alfred Leroux (1855 - 1921). Archiviste et historien protestant
Jusqu'à aujourd'hui, on pouvait penser que la vie d'Alfred Leroux (1855-1921) avait été aussi austère que le travail auquel il s'est consacré aux Archives de Limoges d'abord, dans sa retraite de Bordeaux ensuite. Mais ce " géant de l'érudition limousine " (R. Chanaud) n'était pas seulement l'archiviste-historien aussi compétent que discret dont il a laissé l'image, et c'est un tout autre visage qui se dévoile ici pour la première fois : opposé dès l'adolescence à son milieu familial, ce converti protestant et républicain convaincu, moraliste intransigeant, n'aura cessé d'être tourmenté par le milieu érudit de Limoges, qui l'accepte mais ne le tolère pas, l'arrogance du milieu parisien, qui le connaît mais ne le reconnaît guère, la turpitude découverte au coeur du protestantisme limougeaud aussi, le sectarisme des extrêmes enfin.À partir de quelques lettres retrouvées et d'un manuscrit inédit, l'auteur a patiemment élargi ses recherches pour finalement reconstituer le portrait d'un homme porté par la passion du savoir et de la vérité, aux prises avec l'histoire intellectuelle, religieuse et politique de son temps.
Enquête sur le contexte politique, social et juridique d'une " ténébreuse affaire "
Pourquoi François de Pontville, vicomte de Rochechouart, a-t-il assassiné Pierre Bermondet, lieutenant criminel du Limousin, incarnation du roi en sa province? L'importance des personnages, la faiblesse du prétexte avancé par le jugement, en ont fait une affaire célèbre et ténébreuse, environnée même de légendes. Les documents connus jusqu'alors sont partiels, paraissent même partiaux; ils doivent être complétés. L'auteur a profité du classement du fonds de Rochechouart conservé aux Archives de la Haute-Vienne; il a bénéficié surtout de l'aide de l'I.A.J. pour ses recherches aux Archives nationales dans les registres du Trésor des Chartes et dans ceux du parlement de Paris (civil et criminel).Cette enquête s'est révélée être un sondage dans le contexte politique de l'époque; elle a lieu dans une famille proche du pouvoir, entraîne le lecteur dans les arcanes d'une justice royale en pleine construction. Et la question initiale, dira-t-on? Certes, elle n'est pas entièrement résolue, mais elle a permis de faire d'intéressantes découvertes.
Les journées sanglantes du printemps et de l'été 1944 en Corrèze ont entraîné un traumatisme violent. Le département tout entier garde les traces de ce passé brûlant, et la mémoire divisée, omniprésente et toujours à vif, résiste au travail des historiens. Pourtant on constate des absences et des silences sur un nombre de sujets importants. L'épisode du 9 juin 1944 à Tulle ne serait-il pas une façade tragique mais commode pour occulter, en focalisant l'attention sur cet acte sanglant, tout ce qui l'entoure et le suit?Pour y répondre Nathalie Roussarie-Sicard prend en compte un temps plus long, allant des années Trente jusqu'à la Libération, dans une approche centrée sur le thème général de l'exclusion et de la répression: contre les étrangers et les communistes, avant et pendant la période de la guerre, puis, à partir de 1940, contre les francs-maçons et contre les juifs, présents dans la région, contrairement aux idées reçues. En s'appuyant sur les Archives régionales et nationales, sur la presse locale et sur les témoignages, dans une étude détaillée, enrichie de portraits des principaux protagonistes, elle replace l'histoire de cette région dans une perspective élargie, sans se détourner des questions délicates. Sans juger, elle essaie de dénouer les incertitudes et les complexités de cette période et d'analyser les conséquences: une histoire confrontée au deuil, à la violence, et au ressentiment.
Hommes, idées et marchandises en mouvement de la Préhistoire à nos jours
Les hommes, les objets, les idées n'ont jamais autant circulé qu'aujourd'hui, ni aussi vite. Cependant on n'a pas attendu notre époque pour aller voir ce qu'il y avait derrière l'horizon. Mais comment voyageait-on au Moyen Âge? Comment s'y prenait Yrieix – un futur saint – dans sa chasse aux reliques? Où les sculpteurs romans allaient-ils chercher leurs modèles? Quels réseaux empruntaient les faux-monnayeurs? Est-il vrai que c'est Turgot qui a créé le réseau routier du Limousin? L'on sait que cette province fut une terre d'émigration, et l'on croit tout savoir sur les maçons de la Creuse, mais l'on ignore souvent que Limoges fut un centre majeur de redistribution des marchandises au XIXe siècle, ou encore que cette ville comportait une communauté de colporteurs ashkhénazes. On pense que l'arrivée du chemin de fer a signé l'entrée dans la modernité de la circulation, mais on méconnaît l'importance de la révolution routière qui l'a précédée.Voilà quelques-unes seulement des questions sur lesquelles cet ouvrage apporte des éclairages, souvent inattendus. En étudiant les circulations à partir d'un territoire nettement défini et sur la très longue durée, Rencontre des Historiens du Limousin apporte sa pierre singulière à un courant historiographique particulièrement dynamique, tout en répondant aux légitimes curiosités du public régional. Enclavé, le Limousin? On risque d'être surpris.
Vie canoniale, art et musique à Saint-Yrieix (VIe - XIIIe siècle)
Cet ouvrage réunit les Actes d'un colloque qui s'est tenu en trois sites différents: Limoges, Saint-Yrieix-la-Perche et Poitiers. Comme pour la rencontre concernant l'abbaye Saint-Martial de Limoges (PULIM, 2006), les médiévistes réunis ont examiné les différentes facettes de l'établissement installé au cœur de la ville de Saint-Yrieix dans une perspective pluridisciplinaire: le contexte historique, l'hagiographie, les clercs et leurs réseaux, le potentiel archéologique, les vestiges monumentaux, les manuscrits, les enluminures, la musique…Les textes conservés offrent des aperçus exceptionnels sur le haut Moyen Âge, à commencer par le célèbre testament du fondateur (ici édité et traduit). Mais le statut canonial rend la communauté relativement difficile à cerner, d'autant que les sources médiévales considèrent souvent de haut ces religieux du siècle ou " séculiers ". Cette question est aujourd'hui en cours de renouvellement; aussi l'étude monographique est-elle précédée par des enquêtes concernant plusieurs régions de l'Occident médiéval, de la Flandre à l'Espagne en passant par la Normandie et l'Empire.In situ, le caractère monumental de la collégiale et le renom de la Bible de Saint-Yrieix, riche de ses lettrines enluminées, ont suscité ou actualisé les questionnements des historiens de l'art. S'ajoute à ce kaléidoscope le manuscrit Latin 903 (BnF) ou Graduel de Saint-Yrieix, bien connu des musicologues du monde entier, qui offre des compositions poétiques, liturgiques et musicales d'un grand intérêt pour la fin du XIe siècle.
Étude d'une culture politique de la Libération à la fin des années 1960
Le communisme français n'a pas été seulement celui des ouvriers. Dès l'entre-deux-guerres, de nombreuses communes des campagnes ont dirigé leurs suffrages vers le PCF, en contradiction avec l'image conservatrice qui colle souvent aux paysans en matière politique. Cette implantation précoce ne s'est pas démentie à la Libération, bien sûr en lien avec l'aura acquise par le parti dans la Résistance. C'est ainsi que la Haute-Vienne, dont les campagnes sont les dépositaires d'une tradition rouge et contestataire remontant au XIXe siècle, sont devenues à la fin de la guerre et jusque dans les années 1980 un véritable bastion communiste, malgré le poids considérable de l'autre parti de gauche dans le département, la SFIO.Cet ouvrage se propose de retracer l'historique de cette implantation au cours d'une période charnière dans le monde rural: celle qui court de la Libération à la fin des années 1960, alors que la civilisation paysanne est en train de disparaître. Se dessine une manière d'être communiste à la campagne fortement liée à une identité locale et donnant naissance à une culture politique en apparence paradoxale, au croisement de l'idéologie, des structures et des intérêts portés par le PCF d'une part, des représentations et des revendications des paysans haut-viennois d'autre part. Ces derniers, dans un département marqué par la petite propriété, ne souhaitent pas la révolution prolétarienne ou la collectivisation des terres, mais la protection de leur métier et de leur mode de vie, dont ils sentent bien toute la fragilité sous les coups que leur portent l'essor du productivisme agricole et la dernière vague de l'exode rural.
Brive, dimanche 30 août 1914: la population attend, fébrile, l'arrivée de " ses " premiers blessés de guerre. " Un spectacle à la fois pénible et grandiose " l'attend. Brive entrevoit les premiers indices du drame qui se joue déjà sur le front. Les hôpitaux corréziens accueillent des soldats martyrisés par l'armement moderne de cette première guerre de masse industrielle. Très vite on s'organise pour porter assistance à ces hôtes exceptionnels nimbés de prestige. Une vague de générosité les enveloppe. Elle ne sera pas de trop pour pallier aux insuffisances initiales d'un service de santé qui entame le conflit avec une doctrine de prise en charge erronée. À l'orée de la guerre, un dépôt de blessés s'installe dans la caserne Brune. Rapidement prise de court, la structure ne doit son salut qu'au soutien de la population civile. Au début de l'année 1915, un nouvel hôpital est aménagé dans le collège Cabanis. Son installation n'est pas exempte de rebondissements malgré l'élan de solidarité locale dont elle fait l'objet. Bien desservie, Brive fait partie intégrante du vaste dispositif d'hospitalisation militaire de l'intérieur qui se construit et évolue au fil de la guerre. L'intrusion soudaine des blessés et des hôpitaux affecte la vie quotidienne de la population civile. La générosité spontanée des premiers temps se trouve peu à peu confrontée au prolongement imprévu de la guerre. La situation s'éternise, l'endurance charitable locale s'étiole…Les archives du fonds 1914-1918 du service des archives médicales et hospitalières des armées, du centre de documentation du musée du service de santé ainsi que la presse locale corrézienne ont permis de reconstituer l'histoire des hôpitaux militaires temporaires qui ont fonctionné à Brive et dans ses environs pendant la Grande Guerre.
Identités d'un pays aux marges du Limousin et de l'Auvergne
" La Xaintrie, un pays (presque) imaginaire! ". C'est autour de cette manchette délibérément provocatrice de Jean-Paul Kaufmann qu'est né le projet d'un colloque appelé à questionner l'essence de cette entité de marge, fantaisie limousine d'outre Dordogne en Auvergne, ou aventure auvergnate en Limousin. Plus qu'un canton, moins qu'une région, Xaintrie, ou Saintrie, rime avec Transnistrie, cette république moldave et slavophone du Dniestr, reconnue par personne et toute en longueur.Issus d'horizons pluridisciplinaires, les auteurs ont interrogé cette identité locale à la fois résistante et diffuse, qui s'exerce en tension entre centralité villageoise et attractions périphériques. Géographes, historiens, historiens du droit, historiens de l'art, ethnologues, gens de lettres et acteurs du territoire ont croisé leurs grilles de lecture et confronté leurs sensibilités pour cerner la territorialité des processus sociaux et culturels que le " royaume intime " cher à Denis Tillinac est censé polariser.Formant une entité géologique cohérente, limousine du point de vue administratif, auvergnate par la spiritualité et son inscription dans la mouvance paysagère des monts du Cantal, la Xaintrie ne se laisse pas enfermer dans une interprétation très déterminée. Lieu de changement insensible, société autorégulée à l'époque moderne, cet " agrégat de périphéries " dépourvu de capitale ressortit à l'Auvergne pour certains aspects, au Limousin pour d'autres.Au travers de cette identité polymorphe de la Xaintrie, faite d'héritages partagés ou métissés, ce sont en définitive les tropismes des régions de marges qui deviennent perceptibles, c'est l'essence même du " pays " - en tant qu'entité rétive aux partitions géographiques linéaires comme aux formalismes administratifs et juridiques - qui sourd dans toute sa complexité et ses nuances.
René Viviani, homme politique de la IIIe République, député puis sénateur pendant trente ans, sept fois ministre de 1906 à 1917, est actuellement peu connu en France. Cette biographie, sans complaisance, essaie de présenter l'homme dans toute sa complexité.Brillant avocat, doté d'une remarquable éloquence, il sut défendre avec virulence les syndicalistes et les journalistes, ce qui lui valut parfois d'avoir affaire lui-même à la justice. Son anticléricalisme acharné a marqué toute son action politique. Député dès 1893, d'abord de la Seine puis de la Creuse de 1910 à 1922, il sut toujours se faire entendre à la Chambre. Militant socialiste, il accepta avec quelques autres de participer à des gouvernements dits " bourgeois ", ne rejoignit pas l'unité de 1905 et eut avec Jean Jaurès une relation souvent difficile. Ministre, il fut l'artisan de nombreuses lois sociales. Président du Conseil en 1914 il sut, avec le syndicaliste Léon Jouhaux, transformer en patriotisme l'antimilitarisme qui régnait alors dans la classe ouvrière. Bien que pacifiste, il signa avec le président de la République et les ministres de la Guerre et de la Marine, l'ordre de mobilisation générale du 1er août 1914. Il assuma ensuite pendant quatorze mois la relation entre pouvoir politique et pouvoir militaire dans le déroulement de la guerre.A la fin de sa vie une maladie contraint René Viviani au silence, il ne mérite pourtant pas l'oubli.