Maylis de Kerangal, Mathias Énard, Joy Sorman, Hélène Gaudy, François Bégaudeau, Arno Bertina… Si ces écrivains sont aujourd'hui connus et reconnus, on ignore souvent qu'ils sont ou ont été membres d'un même groupe littéraire, le collectif Inculte. D'abord réunis autour de la revue Inculte, puis de la maison d'édition du même nom, les auteurs de ce collectif à "géométrie variable" ont forgé leur écriture dans ce laboratoire partagé tout en produisant une œuvre collective ambitieuse, volontiers profane, entre explorations documentaires, fictions rock et humeur potache. Contre la mort prétendue des groupes littéraires mais en rupture avec les avant-gardes du siècle dernier, les incultes ont inventé une façon originale d'être ensemble et de produire du commun, sans manifeste ni leader, mais en résonance avec les formes politiques de notre temps."Inculte. Collectif littéraire" est le premier ouvrage qui porte sur cette histoire et entreprend d'analyser, à partir d'entretiens avec ses auteurs et d'une lecture croisée de leurs œuvres individuelles et collectives, la posture et l'esthétique du groupe littéraire le plus important des trente dernières années en France.
Affranchir l'homme de ses contraintes biologiques, accroître ses capacités physiques, cérébrales, mémorielles, combler ses déficiences, lui épargner la souffrance et peut-être même la mort… Et si de telles ambitions ne relevaient plus de l'irréalisable? Prothèses, orthèses, pacemakers, implants oculaires et cérébraux, stimulateurs électriques, greffes, thérapies géniques, clonage: d'irrépressibles avancées scientifiques dessinent un tel avenir à notre horizon. La nature humaine en sera-t-elle changée? C'est ce que soutiennent les discours "transhumanistes", persuadés de l'émergence toute proche d'un "homme nouveau": posthumain.Placé sous l'égide de l'Unesco, le présent ouvrage réunit des philosophes, des anthropologues, des littéraires, des juristes, des spécialistes de l'art et des sciences numériques autour d'écrivains qui se sont saisis de ces questions. À l'heure où Internet et les nouvelles technologies, caméras de surveillance et réseaux sociaux ont déjà puissamment modifié nos modes de sociabilité, se profile désormais sous nos yeux un nouveau Grand Récit, aussi riche de promesses que lourd de menaces.
Marguerite Duras, Claude Simon, Emmanuel Carrère, Laurent Mauvignier
Comment un évènement qui fait basculer nos vies bouscule-t-il la langue? Comment parler de guerres, d'attentats, de catastrophes naturelles ou d'autres épisodes collectifs traumatiques sans repousser les frontières du langage? Le présent ouvrage interroge un phénomène littéraire qui s'origine dans le XXe siècle et trouve ses prolongements à l'ère contemporaine: la manière dont l'évènement percute la langue qui s'en empare, jouant avec la faille, l'indicible et le tabou. L'étude menée à travers quatre auteurs emblématiques que sont Marguerite Duras, Claude Simon, Laurent Mauvignier et Emmanuel Carrère s'étend à un corpus plus large d'écrivains qui confrontent la langue à ses limites, et, chemin faisant, contribuent à une esthétique de l'évènement.
La question du romanesque dans la production contemporaine se déplie en trois aspects: esthétique, historique, réflexif. Définir une poétique du romanesque à partir des pratiques récentes permet de mieux interroger les périodisations par lesquelles nous avons pris l'habitude de saisir le contemporain pour envisager à nouveaux frais le discours de la critique contemporanéiste.Après avoir montré sur le plan théorique que le romanesque contemporain s'articule sur une tension entre le caractère figé du répertoire depuis le XVIIe siècle et ses héritages récents, les contributions proposent des études de textes singuliers. On interroge ensuite la manière dont le romanesque prend en charge l'actualité, tantôt pour reconstituer du sens, tantôt pour saper celui-ci: il devient alors un lieu de représentation critique des discours du monde. Enfin, c'est dans les écritures non-fictives et jusqu'en dehors de la sphère littéraire que l'ouvrage propose de traquer les éclats romanesques.
La présence d'un narrateur fictionnel dans tous les récits de fiction est l'hypothèse fondamentale qui distingue la narratologie des théories narratives antérieures. Cependant, dès les premières formulations de cette hypothèse, des voix se sont élevées pour dénoncer une simplification excessive et une dangereuse confusion des questions. La Théorie du narrateur optionnel est le premier ouvrage collectif qui aborde la question du narrateur du point de vue de la théorie du narrateur optionnel.Sylvie Patron est connue pour ses travaux en faveur de la théorie du narrateur optionnel. L'ouvrage comporte également des essais signés par des chercheurs de renom international. Il couvre un large éventail de genres, du récit biblique à la poésie, en passant par la bande dessinée.L'ouvrage présente un ensemble d'arguments invitant à réserver le concept de narrateur fictionnel aux cas où l'on peut considérer que l'auteur a créé ou construit ce narrateur dans une démarche intentionnelle.
Le roman contemporain trahit une fascination troublante pour l'irrationnel. Délaissant volontiers les rivages trop éclatants de la raison, il convoque des figures magiques souvent anachroniques (spectres, chamanes, sorcières) pour sonder les méandres d'une psyché collective dont les peurs et les impensés résistent aux voies de l'entendement.Il ne s'agit pas pour autant de renouer avec d'anciens régimes explicatifs, magiques ou religieux: face à un monde "désenchanté" (Weber), le surnaturel infiltre des dispositifs esthétiques qui oscillent entre la tentation ambiguë d'une reconstruction du sens et le deuil, nostalgique ou désabusé, d'une transcendance dont les romans attestent la perte.Première étude panoramique consacrée à ce phénomène, cet ouvrage propose une analyse morphologique et fonctionnelle du surnaturel dans la littérature contemporaine en parcourant notamment les univers fictionnels d'Antoine Volodine, Sylvie Germain, Alain Fleischer, Marie NDiaye et Christian Garcin.
Cet ouvrage collectif veut montrer que, contrairement à l'idée reçue, Mai 68 a exercé une influence à la fois rapide, profonde et durable sur la littérature. Non seulement les écrivains se sont engagés dans l'action à l'instar de Blanchot ou Duras, mais le mouvement a inspiré aux romanciers, poètes et dramaturges, témoins ou acteurs de Mai, une écriture contemporaine ou quasi contemporaine de l'événement, ainsi que le prouvent les exemples de Merle, Lainé, Gary, Heidsieck, etc. Dans ce livre sont analysés en outre la place prise par Mai 68 dans l'imaginaire littéraire des générations antérieures (Leiris, Aragon, Malraux) et postérieures (Quintane, le collectif Inculte) ainsi que le rôle joué par Mai 68 dans une série de mutations littéraires, telles que l'émergence d'une écriture féminine revendiquant sa spécificité (Duras, Rochefort), ou la structuration institutionnelle de genres jusque-là réputés mineurs comme la science-fiction ou le roman noir.
La prose de Michel Chaillou témoigne d'un rapport renouvelé et subversif avec la littérature et le(s) savoir(s) d'hier et d'aujourd'hui. Dans la plupart de ses ouvrages il arpente textes, auteurs, personnages, espaces et géographies d'époques révolues. En suivant un parcours chronologique à rebours – de l'Éloge du démodé (2012) à Jonathamour (1968) – et en s'appuyant sur les manuscrits de l'auteur, l'essai affronte deux questions cruciales de son univers littéraire: le rapport problématique et controversé avec le temps et la thématique du voyage – onirique, initiatique, métaphorique, littéraire ou réel. Les pratiques fixées par l'Éloge du démodé – le "recul en avant", la "lecture d'un autre temps", "la route serpentine" des parenthèses parsemées dans sa prose – représentent en fait des enjeux caractérisant l'écriture de Chaillou depuis son début littéraire en 1968.
Tant les thèmes abordés par Pierre Michon que sa manière d'écrire se caractérisent par un refus de la ligne droite, de l'approche directe.Il faut détourner le regard du centre pour s'intéresser à la périphérie: petites gens, province, gestes de l'écriture qu'on aurait de prime abord jugés inintéressants.Si Michon décline l'obliquité sous ses formes les plus variées, c'est afin d'en proposer, d'une façon elle-même oblique, une théorie. Les grands thèmes, les enjeux véritables ne peuvent s'appréhender qu'en partant du détail, de la périphérie, de la digression.Obliquement, Michon nous dit le monde de façon bien plus percutante qu'une approche frontale ne saurait le faire. Mieux, Michon nous invite à cette gymnastique de l'esprit. Il s'agira donc de débusquer, dans la rigueur de ses phrases, les effets obliques du dire, de dépasser l'imposture de l'écrit pour atteindre la constellation essentielle de la vie même.
Les nouvelles directions de la recherche sur le récit
Introduite en 1997 par David Herman, l'expression postclassical narratology (" narratologie postclassique ") rend compte des mutations qu'a connues la recherche sur le récit dans les deux dernières décennies. Ces approches multiples supposent le recours à des concepts et des méthodes inédits, venus de différentes disciplines, notamment des sciences cognitives, ainsi que l'élargissement du champ de l'étude du récit, désormais considéré comme un objet transgénérique et transmédial : s'inscrivant dans différents genres et porté par différents media.Le présent ouvrage offre pour la première fois en traduction française l'essentiel de travaux qui se sont largement imposés dans la recherche anglo-saxonne. Signés des plus grands noms de la narratologie postclassique, ils permettent d'en découvrir les principaux courants: narratologie féministe et queer (Susan S. Lanser), narratologie rhétorique (James Phelan), narratologie cognitive (Monika Fludernik, David Herman, Ansgar Nünning), narratologie transmédiale (Marie-Laure Ryan), narratologie non naturelle (Brian Richardson).
Antoine Volodine conte avec une puissance narrative et un rapport singulier à l'Histoire qui ne font plus mystère. Mais de sa langue, qui n'a jamais bénéficié d'une étude ample, on sait très peu. C'est à combler ce vide que s'emploie cet ouvrage, littéraire avant tout. Mettant au jour l'inventivité et la richesse propres à la langue post-exotique – volontiers polymorphe et particulièrement hospitalière – il en déploie les usages pluriels.De façonnages langagiers il sera donc question, à foison, ainsi que d'hybridité, dans une version internationale qui n'est pas sans faire écho à Babel. Seront aussi questionnés l'objet et l'enjeu de ces forgeries qui troublent la koinè. Car c'est en contrebande, nonobstant la participation active du lecteur, que la langue volodinienne s'écrit, efficace au point d'affoler notre boussole ordinaire des langues. Invitant à repenser le rapport à l'autre dans le dire sexuel, les dictatures linguistiques et la glottophagie, elle est tout sauf inactuelle.
S'étant raréfiée dans les récits occidentaux, la présence animale se limiterait-elle de nos jours aux contes africains et créoles, sous prétexte que l'humain n'y aurait pas coupé tout lien qui le rattache encore aux bêtes? Ce n'est pourtant pas tout à fait ce que nous disent les récits animaliers de Patrick Chamoiseau, de Patrice Nganang, d'Alain Mabanckou ou d'Ananda Devi, qui semblent privilégier pour la plupart d'entre eux la présence du moins exotique ou du plus urbain des animaux: le chien, tantôt domestiqué, tantôt sauvage. Il leur paraît autrement plus important de souligner que la figure animale, telle que leurs récits la décrivent, est invariablement celle, inférieure et subalterne, que l'Occident réserve encore à ceux qu'il a autrefois soumis. S'en dégage une histoire moins de la race que de la trace. Écrire, alors, revient à traquer plutôt qu'une origine perdue, la trace de ce passage inouï, voire inaudible, des sans-voix, qui seule nous permet de mieux revenir sur nos pas. Or que trouve-t-on à remonter la filière animale? Ces bêtes souvent n'ont d'existence que livresque, chiens de papier et porcs épiques bondissant d'une œuvre à l'autre jusqu'à nous, humanimalement.