Selon Arthur Rimbaud, la mission du poète est de " trouver une langue ". La poésie est ainsi le laboratoire d'une langue. Mais se définit-elle contre le langage courant ou comme la révélation de ce langage? " Trouver ", est-ce hériter de ce qui s'est décanté dans la langue à travers les siècles ou inventer de l'inouï? Et que fait la poésie à la langue nationale, locale, traduite, coloniale ou métissée dont elle se sert? Comment cette langue poétique travaille-t-elle la langue de l'intérieur?Les enjeux historiques, sociologiques, psychologiques et esthétiques de la poésie sont abordés ici pour les domaines français et anglais.
Les travaux de Rémy Colombat, réunis dans le présent volume, reflètent l'essentiel de son activité. Ils ont paru dans des revues ou des volumes collectifs, en France, comme en Allemagne. Ils font apercevoir la permanence d'interrogations qui touchent aux types de textes, à la méthode et à l'organisation de l'oeuvre poétique moderne.Ces questions étaient déjà présentes dans sa thèse d'État, Rimbaud-Heym-Trakl. Essais de poétique comparée (Berne, 1986). On trouvait là en effet quelques-uns des thèmes repris par la suite, d'article en article.Ce fut d'abord la question de la modernité - poétique s'entend, et placée sous le signe d'Orphée. À Rimbaud viennent s'adjoindre du côté français Mallarmé et Valéry. Pour le domaine allemand, l'intérêt s'est porté sur Heine, Benn, Rilke, Trakl, Celan." Moi lyrique " et " moi empirique ", ambitions et limites du langage, méfiance à l'endroit d'un hermétisme de l'exégèse qui viendrait renchérir sur l'obscurité de l'écriture, triomphe d'une sphère poétique spécifique, rebelle aux asservissements et aux exploitations qui lui font violence : tels sont notamment les points sur lesquels s'articule un dialogue obstinément entretenu avec les textes.
Europe-Chine: l'utopie dans tous ses états rassemble une série d'articles sur le thème de l'Utopie. La perspective du livre s'enrichit de contributions montrant à la fois une belle cohérence thématique et une grande étendue de points de vue, d'approches et de cas d'études, comme pour dévoiler le désir universel de l'être humain de tester, définir et critiquer le(s) concept(s) d'utopie(s), tout en soulignant le caractère changeant, relatif et temporel des différents visions utopiques qui ont traversé l'Europe et la Chine. Le lecteur occasionnel, le politologue ou le spécialiste de littérature et philosophie profiteront de ces textes qui allient l'érudition, le plaisir de lecture et l'intérêt scientifique. Le caractère hétérogène, transculturel et pluridisciplinaire de l'ouvrage ne peut qu'en augmenter la valeur. Le lecteur est libre de trouver parallèles et contradictions entre les propositions utopiques discutées, d'en apprécier l'évolution historique et, géographiquement, de se laisser séduire par le vertige comparatiste du plaisir du voyage immobile.
Il est fréquent de lire que la philosophie de F. H. Bradley a été négligée, et que cette situation relève du paradoxe dans la mesure où il était considéré comme un auteur philosophique majeur de son vivant. De façon similaire, l'idéalisme, qui a dominé la sphère philosophique britannique pendant le dernier tiers du XIXe siècle, est souvent présenté comme un phénomène étrange dans un pays où l'empirisme, comme l'opinion commune s'accorde à le dire, constitue la tradition philosophique majeure. L'explication couramment retenue est que l'idéalisme et l'œuvre de Bradley n'ont été que des transitions, préparant l'éclosion de la philosophie de Bertrand Russell et de l'empirisme logique au début du XXe siècle.Cette explication est insuffisante. Elle ignore l'importance du retour à la spéculation métaphysique de la philosophie anglaise pendant tout le XIXe siècle et elle masque les circonstances qui l'ont accompagné. Une réévaluation a été menée en Angleterre depuis les années 1980, et la publication récente des inédits de Bradley et de sa correspondance apporte des indications fort utiles sur l'essor de l'idéalisme au moment où Bradley a entrepris ses études de philosophie.La forme caractéristique de l'idéalisme britannique pendant la période victorienne tardive, le néo-hégélianisme, est le fruit d'un bouleversement philosophique initié au début du siècle par les romantiques sur fond d'essoufflement des philosophies britanniques de l'époque. Il est aussi au programme d'un cénacle idéaliste officieux constitué à Oxford à la fin des années 1860 autour de T. H. Green, dont Bradley a été le fer de lance. En outre, ce mouvement idéaliste n'a pas suivi à la lettre le système hégélien : il a également puisé dans un fonds platonicien autochtone qui en a été en quelque sorte le substrat vital. C'est ce que confirme l'évolution même de la philosophie de Bradley pendant ses années de formation.
Aux XVIe et XVIIe siècles, l'intoxicatio fait partie des crimes et délits répandus dans les sociétés européennes. Sans se substituer aux crimes de sang, l'empoisonnement permet à ceux qui en font usage d'œuvrer dans l'ombre en comptant sur des connaissances médicales encore bien approximatives sur le terrain de la toxicologie et de ses remèdes, et ce malgré les avancées significatives de la médecine légale. Les poisons minéraux succèdent aux poisons végétaux, et l'acide arsénieux remporte alors un vif succès.La tradition historiographique associe la pratique du crime de poison à l'époque " éclairée " de la Renaissance et limite son usage à un cercle élitaire, celui de l'aristocratie attachée au pouvoir royal. Dans la lignée de récents travaux sur d'autres périodes mettant à mal cette idée reçue, nous proposons une réévaluation de la présence du venin et de ses remèdes en Angleterre, en Espagne et en France à travers différents écrits savants, politiques et littéraires. Cela permet ainsi d'observer les occurrences du poison et de son inséparable antidote, tant du point de vue matériel que métaphorique, et de mesurer les peurs sociales qu'il génère.
Les politiques de " modernisation " semblent tenir pour une évidence la faillite de l'humanisme et de la haute culture. Rejeter avec les humanités ce qui constitue pourtant la seule source légitime de tout " ordre " humain, c'est mettre en jeu et en danger bien plus que l'existence de disciplines universitaires.Ce livre tente, à travers les manières dont différents penseurs, anciens et modernes, ont posé le problème du " monde ", de cerner et de dégager implicitement, comme par distillation, la question (Gadamer) comme le fondement logique et éthique transhistorique de toute pensée, ouverte par définition à l'altérité. Ordonné autour du concept philosophique de monde, il met plutôt l'accent sur les phénomènes de rupture et de continuité qui accompagnent la tradition à travers les réponses que nous ont légués des témoignages issus de périodes lointaines ou proches à la question du sens du monde. Du caractère intrinsèquement ouvert de la problématique du monde résulte la pluralité des concepts de monde et des mondes. Cette pluralité ne procède-t-elle pas toutefois de l'unité d'un élan ?
La publication d'un ouvrage sur Les Sens de l'Occident aux presses de l'université d'Artois en 2006 avait mis en évidence toute la subtilité des relations entre l'Orient et l'Occident, et certains éléments susceptibles de parvenir à définir l'un et l'autre sur fond de thématiques et de problématiques communes avaient été dégagés dans les études qui le composaient.Poursuivant cette approche, Orient-Occident : Dialogue sur l'ailleurs propose une nouvelle série d'interventions dont l'objet est de découvrir les lieux de rencontre, de dialogue possible entre l'Orient et l'Occident.Ré-orienter l'Occident pour lui rappeler le sens de sa quête et donner à l'Orient l'occasion de s'éprouver dans une nouvelle épopée peut prendre la forme d'un dialogue entre deux côtés d'une ligne imaginaire qui scinde pour toujours les rêves et les projets de l'humanité. La question importante est de savoir si, au terme de ce dialogue, il est possible d'apercevoir une issue harmonieuse au jeu en contrepoint d'un Orient et d'un Occident qui se cherchent.Telles sont les grandes pistes d'exploration d'un territoire commun, l'" ailleurs ", qui ont occupé les débats de deux journées d'étude, tenues à l'université d'Artois en novembre 2005 et en mai 2006, débats pendant lesquels ont été examinées autant les lignes d'un discours de rencontre entre l'Orient et l'Occident que leurs pérégrinations séparées, quoique dialectiquement réunies, en terra incognita.Au-delà d'une irréductibilité spécifique de l'Orient et de l'Occident, qu'elle soit linguistique, philosophique, ou religieuse, et de l'impossibilité d'une compréhension unifiée sur le monde, il apparaît que c'est l'existence même d'un dialogue sur un territoire intellectuel commun qui seule est susceptible de faire avancer chacune de ces deux civilisations, de leur permettre d'approfondir leurs cultures et leur message à l'ensemble de l'humanité.
Les spectres, plaisantait Henri Heine, ont décidément quelque chose d'allemand. Doit-on pour autant en conclure qu'il existe une littérature fantastique allemande spécifique ?Le présent recueil rassemble un certain nombre d'études censées à la fois délimiter un territoire et proposer quelques repères chronologiques. Les moments distingués – L'héritage hoffmannien ; Entre Décadence et fascisme ; L'école " pragoise " ; Les littératures de l'Après – dessinent une tradition faite d'allégeances, de ruptures, d'hybridations qui tentent à chaque fois de mettre en récit le non-dit d'une époque donnée.De E. T. A Hoffmann à H. von Kleist, de G. Meyrink, H. H. Ewers à L. Perutz, de A. Lernet-Holenia à F. G. Jünger, cette " autre scène " nous convainc que l'affinité entre le genre fantastique et ce que l'on appelle sommairement la culture germanique ne réside pas – contrairement, peut-être, à une idée reçue – dans la célébration commune d'une sorte d'irrationalisme premier indifférent à l'Histoire, mais plutôt dans le partage d'une interrogation inquiète, voire angoissée mais toujours parfaitement raisonnée, sur la validité des formes mêmes des discours de raison pour dire la relation de l'individu à l'Histoire.
De l'Angleterre d'Henri VIII à l'Amérique de George Bush, l'histoire des représentations de l'ordre (politique, social ou culturel) dans le monde anglophone est marquée par la permanence d'une vision totalisante de l'ordre – héritée d'une compréhension religieuse du monde – qui répugne à s'effacer devant une conception qui commence, à partir du XIXe siècle, à le présenter comme parcellaire et relatif.La Renaissance anglaise conçoit l'ordre comme une unité totalisante dont la représentation est propre à guider l'homme vers une participation individuelle et communautaire à l'ordre de Dieu. En témoignent les réflexions politiques et théologiques de Thomas More à George Herbert, en passant par Richard Hooker. Avec les Lumières, dans l'Écosse d'Adam Smith ou la jeune république américaine de Thomas Jefferson, on passe à une représentation de l'ordre politique et économique dans lequel le Dieu de la théologie chrétienne est moins mis en avant que les principes abstraits et éternels qui sous-tendent sa Création. Cette représentation " philosophique " a des prolongements très importants dans l'Amérique contemporaine.Cependant, le monde anglophone a aussi, depuis les Lumières, fait l'expérience d'une sécularisation et d'une relativisation de la conception d'un ordre qu'on fait apparaître comme construction pouvant être déconstruite. La représentation devient alors une entreprise critique qu'on retrouve autant dans les interrogations historiographiques que dans la création esthétique des deux côtés de l'Atlantique. Ne se donnant plus comme chemin de participation à un ordre totalisant, la représentation devient pouvoir de subversion d'un ordre toujours à reconstruire.
Cet ouvrage rassemble les actes de la journée d'étude sur la figure de la comparaison qui a été organisée le 7 février 2007 à l'Université d'Artois, pôle d'Arras. La comparaison dans les écrits littéraires joue un rôle tout aussi remarquable que la métaphore, projetant des réseaux d'images qui peuvent tant rassurer que surprendre le lecteur, et ce à des degrés divers. Sont analysées ici les stratégies textuelles et les visions personnelles de huit auteurs : les Taïwanais Weng Wen-hsing et Ch'en Ying-chen dont la naïveté n'est qu'apparente, l'Anglaise Kathleen Raine dont la poésie unifie l'être et le monde, les Américains Nathaniel Hawthorne livrant une parabole ironique sur le mariage, Mark Twain décrivant l'appartenance à la société et l'évasion hors de cette société, William Saroyan qui célèbre l'être universel sur le mode de l'humour, Richard Brautigan qui déstructure les bases de la réceptivité et Jerome Charyn qui malmène les termes de l'idéologie dominante.Ont participé à ce volume : Jean-Bernard Basse (Université Paris X-Nanterre), Ruth Fialho (Bordeaux), Esther Heboyan (Université d'Artois), Ronald Jenn (Université de Lille III), Annick Johnson (Université d'Artois), Sandrine Marchand (Université d'Artois), Antoine Traisnel (Université de Valenciennes).
De fortes personnalités du monde des lettres et des arts se sont réunies autour du concept de la représentation. Chacune, à sa manière, dans une réciprocité pertinente où le verbe se substitue à l'image et l'image au réel, ouvre le champ d'un espace mystérieux se nourissant de multiples mutations du regard.Dominique Fernandez, François de Closets, Jean Guillou, Ferrante Ferranti, montrent l'emprise d'une expérience d'appréhension du réel dont les effets puissants consacrent la rencontre de celui qui crée avec celui qui, à l'instar des futurs lecteurs de cet ouvrage, reçoit la création. Ravissement ébloui qui permet de retrouver dans l'œuvre ce qu'on a pu connaître dans la vie.
Essais de sémantique interprétative en littérature de langue anglaise
Des genres aux textes. Essais de sémantique interprétative en littérature de langue anglaise présente dix études sur la détermination des textes par leur genre. Ces études portent à chaque fois sur un texte de littérature irlandaise et sur un texte de littérature nordaméricaine. Elles s'inspirent d'une hypothèse formulée par la Sémantique des Textes et elles la mettent à l'épreuve des oeuvres. Une fois construite, la détermination des textes et des passages par le genre dont ils relèvent mène à leur spécifi cité. L'infl uence du niveau global (genre ou texte) sur le local (texte ou passage) n'empêche en aucun cas l'action rétroactive du passage sur le texte entier : le " passage " est donc un point d'accès au texte dans la mesure où le global passe par lui.