Une revue en construction : les Annales des ponts et chaussées (1831-1866)
Pourquoi les Annales des ponts et chaussées sont-elles créées en 1831? Comment parviennent-elles à s'inscrire durablement dans le paysage éditorial? En retraçant la genèse de cette revue dédiée à l'art de construire, puis sa fabrication sous la monarchie de Juillet et le Second Empire, Nathalie Montel explore les raisons qui poussent les ingénieurs à écrire et publier leurs savoirs. C'est donc l'aventure collective d'un chantier éditorial dans la France du XIXe siècle et l'analyse des modalités de travail et motivations de ses acteurs qui constituent la matière de ce livre. L'histoire des Annales des ponts et chaussées, resituées dans leur contexte de production, montre qu'elles ne font pas que décrire ou diffuser des savoirs: elles participent à leur élaboration, servent des politiques et des intérêts. Cette enquête sur les trente-six premières années d'existence du périodique permet, de surcroît, de pénétrer le monde des Pont et Chaussées et offre un éclairage inédit sur le fonctionnement de cette branche de l'administration d'État.
Au sein d'une abondante historiographie sur les expositions universelles souvent tournée vers l'étude de leur organisation, de leurs enjeux économiques et de leurs impacts artistiques, architecturaux et urbanistiques, les dimensions culturelles et identitaires suscitent actuellement l'attention des chercheurs. Ce courant participe de l'intérêt pour l'idée de modernité au xixe siècle – technique, économique, sociale, culturelle, politique – comme enjeu fédérateur, mais aussi conflictuel, autour duquel les participants ont construit leur identité. C'était le sens du colloque tenu à Paris en 2012, dont cet ouvrage est issu. Déjà, l'exposition présentée aux Archives nationales en 2010 sur l'exotisme dans les expositions universelles posait avec acuité la ques- tion de la construction des identités dans ces manifestations traversées d'ambitions contradictoires, universalistes et impérialistes, auxquelles s'ajoutent les objectifs commerciaux justifiant la promotion de cultures peu familières aux Européens ou de civilisations disparues. Ces ambivalences expliquent que, d'un côté, les historiens aient développé des études sur l'institutionnalisation des sciences de l'homme dans ces manifestations à travers le musée des Antiquités nationales, le musée de l'Histoire du travail, les expositions d'ethnographie du Trocadéro, l'exposition rétrospective du Travail et que, de l'autre, ils aient scruté les interférences entre cet universalisme et ces hégémonies jusque dans les expositions coloniales, elles-mêmes sources de collections anthropologiques et ethnologiques.
Joseph-Marie de Gérando (1772-1842) est une personnalité centrale du monde politique, intellectuel et administratif de la première moitié du XIXe siècle. Il a souvent été célébré pour son rôle fondateur dans des champs aussi divers que l'histoire de la philosophie, l'anthropologie, le droit administratif, la philanthropie, l'enseignement mutuel ou encore l'éducation des sourds et muets… ces multiples facettes ont rarement été questionnées ensemble. Au contraire, elles ont, le plus souvent, dérouté une historiographie prompte à utiliser des étiquettes plus spécialisées: " Idéologue ", " catholique libéral ", " spiritualiste ", etc. Au temps des révolutions, dans un contexte où débattent les premiers réformateurs sociaux, il offre, à la croisée des savoirs, des outils pour comprendre, normaliser et transformer la société: des pauvres aux sourds et muets, toutes les formes de marginalité deviennent des objets d'enquêtes et d'actions.Issu d'un colloque interdisciplinaire, ce livre cherche à saisir toutes les facettes d'un acteur encyclopédique dont le parcours, complexe, permet de saisir le passage entre la fin des Lumières et l'invention du XIXe siècle. Prenant en compte les renouvellements historiographiques les plus récents, les contributions réunies dans ce volume font le lien entre histoire intellectuelle, histoire politique et histoire sociale. Elles portent plus précisément sur la constitution de nouveaux savoirs de gouvernement, sur les modalités idéologiques et pratiques de réforme et de contrôle de la société et, plus généralement, sur les manières de penser les rapports entre les élites et le peuple dans une société libérale naissante.
Le siècle d'une grande école pour les sciences, les techniques, la société
L'ENS Cachan entre dans son second siècle. Fondée en 1912, pour former les professeurs de l'Enseignement technique, l'école normale de l'Enseignement technique (ENET) devient " supérieure " en 1932 (ENSET), puis intègre en 1985 le cercle prestigieux des " grandes écoles " en se transformant en Ecole normale supérieure (ENS) où sont désormais formés des chercheurs et des universitaires. Cet ouvrage rend compte des évolutions de cet établissement dont l'histoire reflète à la fois celles du système éducatif mais aussi celles de la société française tout entière. Caractérisées par leur pluridisciplinarité et leur interdisciplinarité ainsi que par la volonté de ne jamais se couper de la réalité matérielle, sociale et économique, les formations sont sans cesse soumises à des restructurations qui ne sont pas exemptes de contradictions. Ainsi, l'ambition d'excellence et le glissement vers le sommet du dispositif scolaire se paie de l'éloignement progressif de la mission de formation initiale des enseignants du secondaire. En même temps, ces caractéristiques confèrent à l'ENS Cachan des potentialités créatrices qui lui permettent de transcender les frontières traditionnelles des disciplines académiques et de mieux répondre aux problématiques scientifiques contemporaines, voire de les anticiper. Sa spécificité l'a longtemps protégée de la confrontation avec les autres écoles normales supérieures et avec les écoles d'ingénieurs. Mais son originalité ne lui profite plus quand elle s'affaiblit, tant sont fortes les représentations collectives qui minorent la position de l'ENS Cachan dans la hiérarchie traditionnelle des établissements d'élite. En revanche, son rayonnement international est incontestable puisqu'elle a servi de modèle à une vingtaine de pays pour y créer des établissements similaires. En abordant quelques unes des nombreuses questions qui tissent l'histoire de l'ENET-ENSET-ENS Cachan, ce livre traite d'un sujet sans doute peu ou mal connu mais essentiel par les enjeux qu'il représente pour la France du XXIe siècle.
Aux origines de l'enseignement technique en France (1800-1940)
La formation est aujourd'hui envisagée par beaucoup comme une solution aux difficultés économiques. Pourtant, le retard de la France en matière de formation et l'inadaptation de ses structures est depuis longtemps dénoncé. L'enseignement technique et professionnel reste une voie jugée secondaire dans l'institution scolaire en France. Le procès qui lui est fait est aussi ancien que les réalisations dans ce domaine. À partir du cas du Nord de la France, les caractères principaux de l'enseignement technique agricole, commercial et industriel sont lus comme les résultats de stratégies aussi bien locales que nationales et internationales. Alors que les besoins économiques que l'enseignement technique est supposé satisfaire sont difficilement reconnus par les entreprises, dès le XIXe siècle les politiques envisagées et celles qui sont réellement menées doivent intégrer la crainte répandue d'une crise de l'apprentissage, les mutations techniques rapides au temps de l'industrialisation et les rapports ambigus entre l'éducation " classique " et la nécessité de disposer d'une main-d'œuvre formée. En dépit du consensus qui s'établit peu à peu sur l'importance de l'enseignement technique, les clivages ont été durables et parfois exacerbés quant au rôle de l'État ou aux modalités privilégiées de la formation technique et de sa certification. Comment les collectivités locales et les entreprises se sont-elles investies dans la formation des producteurs ? Quel rôle ont joué les comparaisons avec les politiques menées à l'étranger ? De quelles institutions d'enseignement technique le Nord de la France disposait-il au milieu du XXe siècle, au moment où le défi de la reconversion fut posé ? L'enquête menée à partir de documents nombreux emmène dans les différents lieux où les enjeux de l'enseignement technique sont discutés et où les réalisations sont décidées. L'affirmation de cet enseignement doit beaucoup à l'engagement d'enseignants, d'entrepreneurs et de fonctionnaires dont l'ouvrage restitue l'action. À la rencontre de l'histoire de l'éducation et des évolutions économiques et sociales, c'est ainsi tout un patrimoine de l'histoire contemporaine de la France que ce livre propose de restituer.
La genèse révolutionnaire d'un corps d'ingénieurs civils (1794-1814)
La Maison des mines est un lieu de savoir conçu dans un élan de mobilisation patriotique caractéristique de l'idéalisme de l'an II. Elle rassemble dans un même bâtiment, situé à Paris, au 293 de la rue de l'université, une salle de conférences, des collections minéralogiques, un laboratoire des essais, une bibliothèque, les locaux du Journal des mines ainsi qu'un amphithéâtre où des cours sont dispensés. Ces espaces savants entretiennent des liens étroits avec les bureaux voisins. Cette " Maison " fonctionne comme le cœur de la " science des mines ", c'est-à-dire le lieu où sont mobilisés tous les savoirs au service de la valorisation des ressources minérales. Elle donne à voir la circulation des hommes et des idées de la sphère des savoirs savants à celle des savoirs d'État et permet de saisir la culture professionnelle du corps des Mines à l'œuvre pendant la Révolution et l'Empire, c'est-à-dire à un moment où, pour s'imposer, l'ingénieur des Mines doit trouver sa place dans l'espace social. Ce livre n'est pas une histoire institutionnelle du corps mais cherche à voir les ingénieurs des Mines à l'œuvre pour faire apparaître leurs gestes, leurs usages, leur culture visible depuis la Maison des mines et mesurer en quoi ce lieu a participé à la construction de leur communauté professionnelle.
Les anecdotes biographiques concernant Marie Bonaparte sont aujourd'hui bien plus célèbres que son œuvre scientifique. Elle fut à la fois l'arrière petite-nièce de l'Empereur, la Princesse de Grèce et du Danemark, ainsi que l'élève et l'amie de Sigmund Freud. Cette proximité avec ce dernier et son rôle capital dans le développement de la psychanalyse en France ont fait d'elle une véritable figure de l'orthodoxie du freudisme chez ses contemporains. Pourtant, Marie Bonaparte a développé une conception de la discipline – ancrée dans les sciences naturelles plutôt que dans les sciences humaines – à contre-courant des idéaux de la psychanalyse française de l'après-guerre. Aujourd'hui, lorsque l'on évoque son nom c'est généralement avec ironie voire avec moquerie. L'ouvrage de Rémy Amouroux, qui s'appuie sur une étude approfondie d'archives en grande partie inédites ou méconnues, retrace l'univers intellectuel et culturel dans lequel vivait la princesse de Grèce. Il explore ses différents réseaux relationnels : les milieux psychanalytiques mais aussi scientifiques et littéraires. On y croise des scientifiques de l'Institut Pasteur, des écrivains de l'avant-garde littéraire, et des personnages étonnants comme Gustave Le Bon qui fut, avant Freud, son premier mentor. En replaçant l'œuvre scientifique de Marie Bonaparte dans son contexte, ce livre montre que sa lecture biologisante du freudisme n'avait alors rien d'exceptionnel et constituait une vision, certes originale, mais néanmoins admise. Plutôt que de discréditer ou de réhabiliter Marie Bonaparte, cet ouvrage cherche à lui restituer sa part d'inactualité.
Savoirs, enjeux et acteurs en France et en Grande-Bretagne, 1780-1914
En adoptant une approche d'histoire sociale des savoirs et une perspective franco-britannique, cet ouvrage entend donner à la " société civile " sa place pour écrire l'histoire du long XIXe siècle. À partir de dix études de cas portant sur des thèmes aussi divers que le libre-échange, le travail des enfants, la condition ouvrière, l'entreprise coloniale ou la consommation, il examine la manière dont la société civile devint, à partir de la fin du XVIIIe siècle, à la fois un objet et un acteur de la connaissance du monde social, moral et politique.
Ce livre rend justice à ce curieux et complexe personnage que fut Jules-Louis Breton. Étudiant révolutionnaire passionné de science, jeune parlementaire durant l'affaire Dreyfus, il fut un protecteur intransigeant de la santé et la sécurité des travailleurs. Responsable pendant la guerre des armes nouvelles, on le reconnut comme l'un des inventeurs des chars d'assaut. Ensuite ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociales, élu à la même époque à l'Académie des sciences, il dirigea le premier organisme national voué à l'organisation des recherches scientifiques (l'ONRSII, qui a ouvert la voie au CNRS) et il créa en 1923, le Salon des Arts Ménagers qu'en un demi-siècle près de quarante millions de Français ont visité.
130 ans de guerres coloniales. L'expérience française
Les armées françaises qui ont combattu outre-mer depuis 1830 auraient acquis un savoir-faire particulier : Vincent Joly interroge cette expérience et en mesure à la fois l'originalité et les limites. Dans cette courte synthèse et à partir d'exemples pris principalement en Afrique, il examine aussi les singularités des guerres coloniales.
Les bris de machines à l'aube de l'ère industrielle
En étudiant les bris de machines dans leurs contextes socio-économique et culturel, François Jarrige explore la genèse de la société industrielle. Plutôt qu'un processus linéaire et inéluctable, celle-ci fut une confrontation permanente entre des pratiques et des imaginaires concurrents. Au plus près des acteurs, ce livre présente notamment la " grammaire " des résistances ouvrières : pourquoi, comment et au nom de quelles idéologies des machines furent brisées.
Ingénieur, savant, économiste, pédagogue et parlementairedu Premier au Second Empire
Cet ouvrage veut comprendre Charles Dupin dans son temps et saisir le rôle qu'il a joué dans l'élaboration des savoirs scientifiques, économiques et sociaux du XIXe siècle. Sans prétendre à un bilan exhaustif du personnage et de son œuvre, il s'agit de croiser les perspectives d'histoire sociale, d'histoire économique, d'histoire de la pensée économique, d'histoire des sciences et d'histoire politique et d'interroger, par cette large ouverture disciplinaire, les rapports complexes entre les savoirs et la politique au XIXe siècle autour du cas remarquable de Charles Dupin.