Durant plus d'un demi-siècle, les témoins de la Révolution et de l'Empire ont pris la plume non seulement pour relater leurs carrières, mais aussi produire des études historiques sur la séquence 1789-1815 qui venait de s'achever, en adoptant la posture théoriquement impartiale de l'historien. Forts de leurs souvenirs et de leur documentation, à une époque où l'histoire déchaînait les passions mais où les archives publiques n'étaient pas encore accessibles, ils ont brièvement détenu une sorte de monopole éditorial, avant d'être concurrencés par des historiens plus jeunes, moins marqués par les événements, qui ne ressentaient pas le besoin de s'expliquer ou de se justifier.En opérant un retour aux sources, notamment grâce à l'apport des archives de Lamartine, de Walter Scott, de La Fayette, de Thiers, de Michelet, de Tocqueville, de Las Cases, de Prosper de Barante, ou du chancelier Pasquier, cet ouvrage étudie sous un angle original l'évolution des méthodes de travail des historiens, de la période romantique à la naissance du positivisme, mais aussi les premières polémiques autour de l'interprétation des grands événements de la Révolution et de l'Empire, qui laissèrent certains témoins pleins d'amertume. De nombreuses lettres, des manuscrits et des notes critiques inédites viennent enfin dévoiler le rôle de conseiller historique joué par certains personnages de premier plan comme Barère, Talleyrand, Metternich, Caulaincourt, Marmont ou encore Jérôme Bonaparte.
En fournissant aux habitants de Paris la farine nécessaire à leur alimentation, les moulins à eau et à vent de la capitale ont joué, à l'époque préindustrielle, un rôle essentiel dans la satisfaction de la demande énergétique d'une ville qui accueillait, au début du XIVe siècle, 250 000 habitants, soit autant qu'une grande métropole française actuelle. Loin d'être figé, ce paysage meunier connut de nombreuses évolutions entre le XIIIe et le XVIe siècle, qui révèlent la plasticité des systèmes énergétiques anciens et leur capacité à s'adapter à des périodes de croissance démographique. L'étude des moulins parisiens de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance fait ainsi écho aux questionnements contemporains portant sur l'approvisionnement des grandes villes dans un contexte de décarbonation de l'économie. Elle rappelle que ces questionnements s'inscrivent dans une histoire longue de plusieurs siècles où les moulins, objets techniques complexes dont le bon fonctionnement était une préoccupation essentielle des autorités, comptent parmi les acteurs principaux.
À la demande d'amis et de collègues, Tancrède de Bologne rédigea entre 1214 et 1216 un traité destiné à fournir aux futurs juges et avocats des cours ecclésiastiques les éléments de procédure dont ils auraient besoin. Cet Ordo judiciarius se distingue par son ampleur, sa clarté et ses innovations. Par une diffusion et une autorité exceptionnelles, il a contribué à stabiliser la procédure romano-canonique.Dès la première moitié du XIIIe siècle, en effet, il devient le manuel standard de procédure, ce qui lui vaut parfois le titre d'Ordinarius. C'est d'ailleurs sous le titre d'Ordinaire qu'il s'est diffusé en français.La traduction française (1242-ca 1253) traduit un remaniement parisien du traité bolonais, qui cite une partie des allégations mentionnées dans la version originale et qui introduit des matériaux empruntés au Liber extra de 1234.Premier manuel de procédure en français, la traduction, anonyme, a connu une belle diffusion, dont témoignent dix manuscrits conservés. L'ambition principale de cette édition critique est d'offrir aux historiens du droit un texte accessible et établi d'après des critères ecdotiques scientifiquement acceptables. En effet, sans édition, l'Ordinaire ne peut être lu que dans des manuscrits dont le texte est fortement mutilé. L'intérêt de l'Ordinaire ne se limite toutefois pas au droit: cette translation est riche d'enseignements pour les historiens de la langue française, et notamment de son lexique, mais aussi pour les spécialistes de traduction. Plus généralement, les curieux saisiront combien la procédure décrite dans l'Ordinaire a informé des pratiques qui ont encore cours et toucheront du doigt un français juridique savant en pleine élaboration.
On connaît désormais l'intérêt d'étudier les anciens catalogues de bibliothèques, non seulement pour les ouvrages qu'ils décrivent, mais aussi en eux-mêmes, en tant que sources pour l'histoire de la bibliothéconomie. En ce sens, la série des catalogues dressés pour la bibliothèque fondée par Jacques-Auguste Ier de Thou, à la fin du xvie siècle, qui resta entretenue et ouverte aux savants jusqu'à sa vente en 1680, constitue un terrain d'étude remarquable auquel est consacré le présent ouvrage.La bibliothèque a fait l'objet de quatre catalogues entre 1617 et 1679. On doit les trois premiers, manuscrits, à de Thou lui-même (1617), aux frères Pierre et Jacques Dupuy (1645-1648) et à Ismaël Boulliau (1653). L'œuvre d'Ismaël Boulliau a fourni la matière pour la conception de l'ultime catalogue, imprimé pour la vente par les soins du dernier bibliothécaire, Joseph Quesnel. Leur agencement témoigne d'une réflexion novatrice, soucieuse de garantir la qualité des notices et un meilleur accès aux données bibliographiques.Des sources complémentaires (correspondance, notes manuscrites) éclairent le travail et les choix techniques des bibliothécaires successifs, ainsi que le rôle décisif de Jacques-Auguste II, fils du fondateur, dans le perfectionnement du catalogue de bibliothèque en tant que nouveau genre d'écrit savant. Le dernier catalogue, intitulé Catalogus bibliothecae Thuanae, donné en exemple pour la perfection de sa classification à cinq divisions, a ainsi servi de source d'inspiration pour les gens du livre en France et en Europe.
Au service de la couronne de France (XVe-XVIIe siècle)
Autour des premiers secrétaires d'État, apparus en 1547, se forme un clan de pouvoir composé de familles alliées, dont les membres exercent les plus hautes charges sous les Valois. Ces familles ont émergé au xve siècle, d'abord au service des princes dans le Val de Loire, avant de s'agréger, à la Renaissance, par les alliances matrimoniales des enfants de Guillaume Bochetel. Ainsi liées entre elles, ces familles de robins en ascension, les L'Aubespine, les Bourdin, les Morvillier notamment, à leur tour ont apporté leurs propres alliés, comme les Neufville ou les Brulart. Le clan se délite progressivement à l'orée du XVIIe siècle, laissant pour héritier politique Villeroy, secrétaire d'État de Charles IX à Louis XIII.Le clan Bochetel, marqué par une forte solidarité et l'importance des liens du sang, illustre le fonctionnement de la monarchie française de la première modernité, qui compte sur les réseaux de serviteurs à la fois pour l'exercice des charges et pour assurer l'exécution de ses ordres dans les provinces où ces familles ont conservé des alliés. Hommes et femmes du clan partagent une identité sociale particulière, entre haute robe cultivée et noblesse. Ils sont un miroir des transformations de la monarchie française à l'époque moderne qui évolue entre État domestique et naissance d'une administration expérimentée.
Édition critique et commentaire du Tractatus de jure emphiteotico de Pierre Hélie (milieu du XIVe siècle)
Figure majeure du studium juridique de Toulouse au milieu du XIVe siècle, Pierre Hélie a exercé une activité de professeur et de jurisconsulte au moment où cette université connaît un rayonnement sans précédent. Parmi ses rares œuvres qui nous sont parvenues, son Tractatus de jure emphyteotico est celle qui a connu la diffusion la plus importante. Après le recueil de questions attribué à Martinus de Fano, il s'agit peut-être du plus ancien texte consacré à l'emphytéose à avoir circulé sous la forme d'un traitement isolé et systématique du sujet.La tradition manuscrite présente des variantes importantes, mais le plan de l'ouvrage est toujours le même: un court exposé de la matière qu'est l'emphytéose; une série de questions qui constituent l'essentiel, d'un point de vue quantitatif, du traité; une présentation du contrat vassalique, dont le fief constitue l'objet. Cette fidélité à un même schéma est significative. Elle témoigne de la parenté entre emphytéose et fief pour les juristes médiévaux, qui ont pu apprécier dans cette œuvre une distinction bienvenue entre deux institutions qui tendent alors à se confondre dans certains actes de la pratique.La présente édition a été réalisée à partir de tous les témoins manuscrits connus. Elle autorise une lecture de l'ensemble des variantes textuelles, ce qui permet de prendre la mesure de l'enrichissement, au fil des copies, dont a fait l'objet la "répétition" initiale de Pierre Hélie. Elle est précédée d'un catalogue des œuvres de l'auteur et suivie d'un commentaire du traité, qui met en lumière son originalité.
Regards sur quelques institutions de la France moderne (XVIe-XVIIIe siècle)
Dans ce volume sont réunies, avec des mises à jour, vingt-cinq études publiées de 1960 à 2015 sur le fonctionnement de l'État royal pendant les trois siècles de ce qu'on appelle couramment l'" Ancien Régime ". Certaines, diachroniques, mettent en lumière des évolutions sur le long terme. D'autres sont centrées sur l'époque de Henri IV et de Sully, artisans de réformes décisives. Sont ainsi revisités les origines et les premiers développements de plusieurs grandes charges comme celles de garde des sceaux, de surintendant des finances, de grand voyer de France, de surintendant des bâtiments, de même que les régences en l'absence du roi et le statut nobiliaire des favorites royales devenues duchesses. La plupart de ces articles sont écrits de première main et illustrent la richesse des fonds d'archives (en particulier ceux du Conseil du roi et des parlements) que nous ont légués les institutions de l'ancienne France. Plusieurs ont bénéficié du concours des élèves et anciens élèves de l'École des chartes.
Les traductions françaises médiévales du corpus de droit romain constituent un vaste ensemble textuel pour l'essentiel inédit et largement méconnu. Elles revêtent pourtant un intérêt de premier plan, tant pour les philologues que pour les historiens du droit. Afin de combler cette lacune et de mieux cerner ce phénomène traductif d'ampleur exceptionnelle, il convient aujourd'hui de dépasser le simple répertoire de textes et de manuscrits, et de les donner à lire, au moins partiellement. C'est pour initier ce mouvement que le présent ouvrage propose la première édition critique portant sur l'une des quatre traductions conservées du Code de Justinien.La traduction retenue pour cette édition présente plusieurs intérêts : indépendante des trois autres traductions du Code, elle est précoce (antérieure à 1251), a connu une diffusion notable et fait montre d'une grande originalité. Son élaboration est particulièrement complexe et soignée, puisqu'une grande partie des constitutions y sont présentées sous forme de casus. Le deuxième livre, moins hétérogène que le premier, a par ailleurs été choisi parce qu'il traite de sujets prisés à l'école d'Orléans, en particulier de procédure et de droit de la famille. Il offre également un excellent terrain de comparaison avec les traductions françaises du Digeste . Le témoin qui sert de base à l'édition est en outre l'un des plus anciens manuscrits vernaculaires copiés à Paris.La présente édition, qui prend en compte l'ensemble des témoins connus, est précédée d'une large introduction, cherchant à saisir le contexte de production et le projet de traduction. Un glossaire détaillé, principalement consacré au champ sémantique du droit, vise à améliorer notre connaissance du lexique juridique savant en français.
Le marché du crédit à Saint-Maixent et dans sa région au XVIe siècle
De nombreuses études ont montré qu'à l'époque moderne le crédit irrigue la société tout entière.Toutefois, l'historiographie traditionnelle et les grandes thèses d'histoire rurale se sont longtemps bornées à souligner la rareté de la monnaie dans les campagnes françaises et l'endettement des paysans. Depuis une vingtaine d'années, plusieurs études ont remis en cause ces topoï et ont replacé le crédit dans un système plus large de circulation de l'argent. En parallèle, un engouement pour l'histoire du notariat a renouvelé l'utilisation de ce type de sources écrites et a engendré une réflexion sur la place de l'écrit notarié dans le marché de l'acte privé.Le présent travail s'inscrit dans ces deux courants et met à profit les archives notariales d'une région et d'une époque où les bouleversements économiques et religieux sont nombreux. Les développements de cette problématique portent d'abord sur les outils mis en œuvre par les acteurs du marchédu crédit. Dans cette optique, une large place est accordée à l'analyse du travail du notaire et à son rôle au sein de ce marché. En outre, l'étude de l'évolution du marché du crédit dans la deuxième moitié du siècle constitue une occasion de mesurer les conséquences des troubles politiques et religieux. L'intensité et la nature de l'activité notariale sont alors appréhendées comme un précieux indicateur de la situation socio-économique. Enfin, une analyse sociale des prêteurs et des emprunteurs conduit à une cartographie du marché du crédit et à une description des réseaux qui se formentà cette occasion.
Si l'Opéra de Paris a fait l'objet de vastes investigations du point de vue de son répertoire, de ses auteurs ou de ses acteurs, son histoire institutionnelle reste en revanche un domaine de recherche très peu exploré. Pourtant, dès sa création, en 1669, les liens entre l'Opéra et le pouvoir politique ont engendré un luxe de textes réglementaires très précis, déterminant et conditionnant le spectacle vivant dans ses aspects artistiques, économiques et sociaux. Le présent volume, qui rassemble une dizaine de chercheurs, a justement pour objet d'éditer les principaux textes régissant l'administration et le fonctionnement de cette institution musicale centrale dans la vie culturelle en France et en Europe, depuis ses origines jusqu'à nos jours. Réunis pour la première fois et contextualisés par grandes périodes, ils permettent d'embrasser les divers modes d'administration et de régie qui se sont succédé depuis trois cent cinquante ans. L'ouvrage intéressera aussi bien l'historien et le musicologue que l'amateur attaché à l'Opéra en général, à son histoire et à son fonctionnement.
Étude des actes royaux imprimés de Charles VIII à Henri II
L'affermissement du pouvoir monarchique constitue l'un des principaux facteurs de transformation du droit en France à la Renaissance, notamment à travers la promulgation croissante de lettres patentes, qui commencent à être imprimées à l'unité à la fin du XVe siècle. Si l'initiative revient d'abord aux imprimeurs-libraires, les institutions monarchiques s'aperçoivent rapidement des bénéfices d'une telle reproduction et amorcent la régulation de ce marché par l'attribution de privilèges de librairie. La protection ainsi accordée se double du contrôle d'une activité qui touche à une prérogative essentielle du roi : faire loi.Outre ses effets sur le marché du livre juridique, la mise sous presse des lois royales ne reste pas sans incidence sur le processus législatif lui-même, introduisant un certain nombre d'innovations et d'expérimentations. Si le cas des originaux imprimés retient en particulier l'attention, la très grande majorité des pièces imprimées demeure néanmoins constituée de copies privées à destination d'un public de juristes et d'érudits. L'intensification de l'impression des lois à partir du règne de François Ier permet alors le développement d'un mode non institutionnel de diffusion et de conservation grâce à la formation de collections d'actes royaux imprimés, qui constituent encore aujourd'hui une ressource inépuisable pour la connaissance de la législation monarchique.Tout en offrant un panorama des textes législatifs, cette histoire matérielle de la loi à l'aube de l'État moderne dévoile ainsi des aspects méconnus des formes du droit par le recours à l'histoire du livre.
Le Speculum dominarum est un traité didactique dédié à Jeanne de Navarre, épouse de Philippe le Bel. Ce texte inédit de Durand de Champagne, confesseur franciscain de la reine, est destiné à alimenter l'instruction morale et religieuse des dames nobles. Dressant le portrait idéal auquel toute femme doit aspirer, il forme un guide de vertu chrétienne et de morale sociale et politique. Par cette œuvre, il s'agit moins de donner à entendre la voix singulière d'un auteur qu'une parole de philosophie chrétienne et de sagesse divine: recueil de citations d'auctoritates et de récits variés, Durand de Champagne s'efface derrière une tradition pour offrir aux femmes matière à édification.