Ce volume constitue le numéro ultime de la revue Cahiers du CAP aux Éditions de la Sorbonne. La publication réunit neuf essais de jeunes chercheurs de haut niveau qui privilégient la transversalité pour atteindre de nouveaux chantiers de recherche, moins par des thèmes généraux que par des manières originales de penser, de travailler et d'explorer leurs domaines respectifs. Sous la forme d'un ouvrage collectif ayant pour thématique " Matières à inventer ", les auteurs ont su se ménager un espace d'expression personnel tout en dialoguant entre disciplines (histoire de l'art, du cinéma, de l'architecture, anthropologie, archéologie), pour tenter d'apporter des éclairages originaux et inédits. À chacun des neufs textes qui composent ce numéro correspond un terme qui résume et symbolise, en quelque sorte, le projet d'étude envisagé. À cet égard, dans les conditions actuelles de travail et de recherche singulièrement dégradées, ce dernier numéro des Cahiers du CAP veut d'abord rappeler que les pratiques de jeunes historiens, historiens de l'art et de l'architecture, anthropologues et archéologues, relèvent d'une forme vivante d'invention. Trois axes de réflexion sont développés à partir des notions-clés dans la revue: " fragments ", " frontières ", " héritage ".
Questionner les circulations des objets et des pratiques artistiques
Ce volume des Cahiers du CAP se propose d'interroger les circulations des objets et des pratiques artistiques à travers différents espaces géographiques, cadres culturels, milieux sociaux et médiums. Il s'agit de mener une réflexion sur les enjeux de ces mobilités dans une perspective pluridisciplinaire (histoire de l'art, du cinéma, de l'architecture, sociologie des institutions culturelles, du théâtre, material studies, etc.).La première partie, "Jeux d'échelles et mécanismes de la mobilité artistique", questionne la circulation à travers ses différentes échelles ainsi que les agents impliqués dans les échanges, qu'ils soient institutionnels, humains ou matériels. Les articles mettent en lumière, par l'étude de situations propres à un contexte socioculturel précis, la complexité des mécanismes de déplacement des artistes et de diffusion des formes et des discours.La deuxième partie, "Imaginaires et sociétés", est consacrée aux deuxièmes vies des productions artistiques ou plus généralement culturelles. Elles voyagent, sont redécouvertes, recréées, réinventées, bricolées, revendiquées, voire détournées. Artistes, médiateurs et publics s'en emparent et les font résonner dans des contextes parfois éloignés de celui de leur création.
Politique et performativité de la patrimonialisation
Qu'y a-t-il de commun entre la traduction du patrimoine littéraire mondial en langue wolof défendue par Boubacar Boris Diop dans le contexte postcolonial sénégalais, les négociations entre différents acteurs associatifs et institutionnels autour des routes de la mémoire de la dictature au Chili, l'hétérochronie sous-jacente à la " biennalisation " de l'espace urbain à Tirana dans l'Albanie post-socialiste, la mise en fiction documentaire de leur propre culture par les autochtones Kakataibo en Amazonie péruvienne, la création collective autour de la danse du Diable dans les Andes urbaines en Bolivie, l'effet de l'intégration des arts sonores dans un musée sur le genre artistique lui-même autant que sur l'institution, et la recréation collaborative des happenings d'Allan Kaprow à partir des scripts? Aucune de ces contributions ne conçoit les patrimoines culturels comme des corpus établis d'oeuvres du passé achevées qui feraient l'objet d'une conservation illusoirement neutre idéologiquement. Elles éclairent au contraire la patrimonialisation en tant que processus dynamique d'interaction avec la création, celle-ci étant entendue au sens large de production artistique, culturelle et sociale dont les enjeux sont aussi bien esthétiques que politiques et institutionnels. L'accent est mis sur l'impact spatial (local et mondial; territoires naturels et espaces urbains), temporel (passé et présent) et institutionnel (littérature, musées, urbanisme, configuration du territoire) de collaborations interdisciplinaires qui impliquent souvent des négociations complexes entre les différents acteurs. Ces perspectives diverses contribuent ainsi toutes à mettre au jour ce que masquent souvent les termes de " préservation " ou de " conservation ", à savoir la dimension performative de la patrimonialisation.
Les spectacles du patrimoine. Sources, expositions, usages
Ce volume des Cahiers du CAP est divisé en deux grandes parties, regroupant sept études approfondies en sciences humaines et sociales. Les auteurs, jeunes chercheurs de haut niveau, ont mené leurs enquêtes du Londres aux pays Baltes, de la Polynésie française au Congo et au Panama, en questionnant les archives et leurs multiples usages, les processus d'exposition et de réception dans les domaines des arts plastiques, du cinéma et du théâtre.Dispositif, re-enactment, et mise en spectacle Dans le questionnement des dispositifs d'exposition et de leurs versants discursifs, à travers quelques exemples relevant de champs différents (histoire de l'art, histoire du cinéma, histoire sociale), une importance centrale est accordée aux sources et à leurs utilisations. Comment articuler concrètement l'analyse d'une image ou d'une oeuvre avec l'examen de la manière dont les acteurs sociaux façonnent le regard pour les futurs spectateurs? Quels types de documents sont à mobiliser? Quelle approche comparatiste ou contrastive?Patrimoine et iconoclasme: ambiguïtés du statut et de l'usage des objets À l'encontre d'une idée reçue qui voudrait que le patrimoine constitue un ensemble donné de biens qu'il s'agirait d'entretenir (ou non), les sujets abordés dans ce numéro des Cahiers du CAP mettent au contraire en évidence la dimension vivante, active, mouvante des patrimoines concernés – tout en rappelant que cette dimension mouvante n'est ni univoque, ni positive. L'intérêt porté aux processus de fabrication et d'emploi de différents types de patrimoine permettra de mettre en lumière les dynamiques internes à ces ensembles.
Les dimensions relationnelles de l'art : processus créatifs, mise en valeur, action politique
Ce volume rassemble des textes en anthropologie, histoire de l'art, musicologie, histoire du cinéma, réunis pour construire ensemble un véritable objet pluridisciplinaire: l'art est ici examiné comme processus, depuis les modèles cognitifs et conceptuels étudiés dans les contextes de sa création jusqu'à l'impact politique et sociétal de sa réception. La première partie des Cahiers du CAP considère des objets aussi divers que la création musicale contemporaine, la mise en récit(s) de la photographie dans la seconde moitié du xxe siècle en France et la production de bronzes au XIXe siècle sous l'angle de leurs processus créatifs. Sa deuxième partie examine les espaces muséaux: ils peuvent être considérés comme des " zones de contact " plus ou moins asymétriques et jouent aujourd'hui un rôle crucial dans la mise en valeur de pratiques et d'objets considérés comme mineurs ou marginaux. Enfin, la dernière partie propose d'interroger l'articulation entre culture et politique au regard de contextes sociaux, politiques et historiques distincts.
Les notions de " patrimoine " et " d'art ", par leurs dimensions ethnocentrées, essentialistes et leurs enjeux idéologiques, érigent de nombreuses limites à la compréhension de l'hétérogénéité et du caractère processuel de la création. Partant de la diversité de l'usage des notions d'art et de patrimoine, ce numéro propose de les réinterroger – voire de réfléchir au-delà de ces notions instituées. Neuf études de cas, présentant des objets variés, relevant de différentes aires culturelles et historiques, et abordées avec des dispositifs méthodologiques distincts, seront mises en dialogue. L'objectif est d'appréhender différents moments, espaces, acteurs et logiques de la mise en art et de la mise en patrimoine du social. Trois pôles, considérés comme des propositions à la fois théoriques et méthodologiques, organisent notre réflexion. Dans un premier temps, appelant à l'exploration de la diversité des expériences de l'art, nous nous penchons sur certains " invisibles " de la création – comme le travail horschamp de quelques acteurs des mondes de l'art et de la science – et sur les processus de création opérant par négociations entre ces différents agents. Dans un deuxième temps, en pensant nos sujets de recherche sous le signe du passage, il s'agit de questionner les circulations, les transferts de sens et les mutations exercées sur certains objets culturels (archives, éléments religieux, objets du quotidien) lorsqu'ils entrent dans le domaine de l'art et du patrimoine. Enfin, dans un aller-retour entre résistance et conformité, nous cherchons à mettre au jour les modalités des engagements (projets officiels, enjeux idéologiques ou sociaux) imprégnant la production de l'art et du patrimoine.
Fictions et frictions culturelles. Art et patrimoine en action
Fluctuante et protéiforme, la culture peut être source de conflit autant que d'identification, riche de ses influences ou bien porteuse d'une mémoire difficile à révéler. Ce numéro des Cahiers du CAP, au travers de huit textes pluridisciplinaires, porte un regard sur cet espace de jonction et d'articulation entre art et patrimoine qui compose la culture. Les croisements ne se font jamais sans heurts ni frictions; ils sont également le creuset de nouvelles narrations, qui rendent singulière chaque histoire. Par le biais des deux entités que sont les processus de patrimonialisation et les pratiques de la création artistique, le présent ouvrage traite des questions de mondialisation, d'adoption ou de rejet des influences ainsi que des rapports de domination Nord-Sud. Il montre également comment certains territoires désemparés, par le prisme des arts et des actions collectives, sont ré-imaginés et patrimonialisés. Tout cela ne va pas sans opérer des choix destinés à constituer et à colporter une histoire, une mémoire. Cette conservation des sources mémorielles ne pourrait exister sans les institutions ni les musées qui, pour servir un discours, sélectionnent, exposent ou, au contraire, occultent. Mais que penser de la constitution de patrimoines quand ils sont le fruit d'une amnésie sélective?
La construction des patrimoines en question(s) Contextes, acteurs, processus
Que ce soit en tant que pratiques ou objets, la notion de patrimoine occupe une place grandissante dans les champs disciplinaires en lien avec la création (théâtre, danse, arts visuels). Pourtant, cette notion est loin de faire consensus. Comment appréhender les approches variées, parfois contradictoires du patrimoine? Quelles sont les stratégies d'utilisation et d'institutionnalisation des héritages – mises en oeuvre par les politiques culturelles et les acteurs sociaux – auxquelles ils sont soumis? L'objectif de ce premier numéro des Cahiers du CAP est de restituer ces diversités dans une approche interdisciplinaire. Chacun des chercheurs a effectué des études de cas de patrimonialisation. Le " patrimoine " est envisagé comme l'opérateur d'un dialogue dont certains des enjeux seront d'expliciter les méthodes et de mesurer les écarts terminologiques et pratiques qui résultent de la pluralité des terrains d'observation. L'analyse des liens entre création et processus de patrimonialisation (historiographie, conservation, publication, archivage, exposition, restauration, numérisation) permet d'interroger le " patrimoine ", lieu privilégié de débats, d'interprétation du passé et de lecture du présent.
Modèles et modalités de la transmission culturelle
Qu'elle porte sur des objets, des lieux, des monuments, des médias, des pratiques culturelles ou des êtres vivants, la transmission constitue un moment crucial des processus créateurs. Si le patrimoine culturel est par définition ce qui devrait être transmis, l'extension actuelle de cette notion justifie à elle seule que l'on s'interroge sur ses mécanismes de transmission. L'objectif de ce numéro des Cahier du CAP est d'appréhender les modalités de la transmission du point de vue de l'histoire de l'art, des arts vivants, de l'histoire culturelle, de l'anthropologie, de l'architecture et de l'urbanisme. Dès lors, la patrimonialisation apparaît comme un moment possible du " transmettre ". La diversité des champs concernés par ce volume interdisciplinaire nécessite que l'on s'intéresse à la transmission tant du point de vue de la production des contenus que du point de vue des dispositifs, des technologies et des " arts " de la passation. Par conséquent, une attention particulière est accordée aux échelles et à la construction socioculturelle des espaces de la transmission (relation de face à face, groupes intégrés ou diffus) ainsi qu'à leurs enjeux éthiques et politiques.