Le coup d'État du général Pinochet au Chili le 11 septembre 1973 connaît un fort retentissement à l'étranger, notamment en Grèce où sévit la dictature des colonels depuis 1967. Deux mois plus tard, le 17 novembre, les manifestations d'étudiants à l'École polytechnique à Athènes sont très violemment réprimées par la junte, faisant plusieurs morts. "Chili-Grèce, mêmes ennemis, même combat", écrit la revue L'Autre Grèce depuis Paris, où des exilés des deux pays se sont réfugiés et s'entraident. Éloignées géographiquement, les sociétés grecque et chilienne seront rapprochées virtuellement en raison de l'expérience dictatoriale que leurs citoyens ont dû subir dans un contexte de confrontation idéologique aggravée par la guerre froide. Les deux sociétés ont aussi dû développer des moyens d'action, des pratiques de résistance, pour donner du sens à la dissidence et à l'opposition aux juntes militaires. Les slogans de solidarité vis-à-vis de Salvador Allende scandés par les étudiants de l'École polytechnique d'Athènes, la mise en musique de la poésie de Pablo Neruda par Mikis Théodorakis dans son Canto General, sont certaines des manifestations traçant le chemin vers une approche comparatiste.Cinquante ans après les événements tragiques de l'automne 1973, une journée d'étude de la Bibliothèque nationale de France, est revenue sur ces événements en portant un regard croisé sur l'histoire culturelle des luttes contre ces dictatures. Dans une perspective et une volonté d'histoire connectée, il était question de saisir les interactions, de repérer les interdépendances entre les deux sociétés autour du phénomène de la résistance à des régimes autoritaires par l'intermédiaire de l'expression socioculturelle, de retracer et de commenter les transferts culturels, la circulation d'acteurs, d'idées, de pratiques de contestation et/ou de mobilisation, qui ont vu le jour pendant les années 1960-1970. Parmi les sources explorées pour écrire cette histoire culturelle et connectée de la résistance, une place importante a été occupée par la presse en général, la presse allophone en particulier, l'édition littéraire dans toutes ses manifestations, la musique, le documentaire.
De part et d'autre de l'Atlantique (XVIIIe-XIXe siècles)
Les Bourbonnais, de naissance ou d'adoption, ont été sensibles à la diffusion des Lumières et aux modes de sociabilité qui ont permis leur diffusion (salons, loges maçonniques, sociétés savantes, collèges, etc.). Les travaux de ces cénacles, la presse et les correspondances donnent la mesure de la place de la philosophie, de sa mise en action dans les engagements individuels et collectifs. Ces derniers n'excluent pas des combats internationaux, dont la guerre d'Indépendance américaine n'est pas le moindre. L'apprentissage du libéralisme politique nourrit les théories et les débats qui précèdent la Révolution française, puis ses Assemblées successives, ses clubs politiques, ou les décisions des représentants du peuple. Transformées par la décennie révolutionnaire, les Lumières se retrouvent dans l'émergence d'une école philosophique qui irrigue les cercles dirigeants du Directoire: l'Idéologie. Les rêves inachevés trouvent aussi un exutoire dans les États-Unis du début du XIXe siècle: proscrits par la Restauration, ceux qui vivent dans le souvenir de la Révolution et du Premier Empire, construisent des communautés espérées idéales et durement vécues. D'autres, sur le plus long terme, s'érigent en self made men dans ces migrations outre-Atlantique.
En septembre 2008 éclate en Colombie une affaire connue sous le nom de "Faux positifs": une vingtaine de jeunes hommes issus de Soacha, banlieue pauvre de Bogota, ont été attirés par la ruse dans le nord-est du pays, pour être tués par l'armée et présentés comme des combattants de groupes armés illégaux. Cette affaire a mis au jour un scandale d'ampleur nationale, celui de l'assassinat d'au moins 6402 civils par l'armée dans le cadre de la politique de Sécurité démocratique du président d'alors, Álvaro Uribe Vélez (2002-2010).La lutte pour la vérité et la justice entreprise par les familles de victimes a permis de rendre visible ce phénomène, alors que des pressions négationnistes s'exerçaient pour en remettre en cause l'existence, puis l'ampleur. L'ouverture du troisième volet de la Justice spéciale pour la paix (JEP), consacré aux "crimes et aux disparitions forcées de personnes présentées comme mortes au combat par des agents de l'État", a donné la parole tant aux victimes qu'aux responsables de ces crimes lors d'audiences publiques.Un aspect passé sous silence est le sort des militaires qui se sont opposés à une politique du chiffre assortie de récompenses qui a mené à enfreindre les règles de la guerre et la doctrine de respect des droits humains de l'armée, débouchant sur ces crimes contre l'humanité. Cette enquête dévoile un modus operandi s'exerçant de la même façon sur les civils et sur les militaires qui ont tenté de freiner ou de dénoncer ces atteintes aux droits humains.
Survivre et décider dans l'univers concentrationnaire
Dans une Europe sous la domination du régime national-socialiste, en particulier dans les ghettos, dans les camps de concentration et dans les camps d'extermination, des hommes et des femmes furent confrontés à la nécessité de faire des choix dans des conditions extrêmes. Plusieurs récits sont parvenus jusqu'à nous: une mère a dû sacrifier un de ses enfants pour permettre à un autre de vivre; un détenu devenu " Kapo " a été contraint de choisir quels prisonniers protéger au détriment des autres; un médecin ou soignant a dû choisir quels malades à l'infirmerie avaient le plus de chance de survivre pour leur éviter la sélection… Dans ces conditions extrêmes, l'ensemble des valeurs qui présidaient au choix entraient en conflit – qu'elles soient liées à la morale individuelle, à l'éthique professionnelle ou à la logique d'une résistance collective. En cela, le choix était à la fois impossible et en même temps inévitable et nécessaire. Le spécialiste de la littérature sur le génocide juif, Lawrence L. Langer, l'a désigné en 1980 par l'expression de choiceless choice: un non-choix, c'est-à-dire un choix qui n'en est pas un.
Avant d'émigrer en Palestine en 1923 et de devenir le spécialiste universellement reconnu de la cabale et de la mystique juive, auteur d'une œuvre magistrale, Gershom Scholem (1897-1982) a grandi à Berlin dans une famille juive assimilée à la culture allemande. Adolescent, il redécouvre ses racines, étudie le Talmud, les mathématiques et la philosophie, fréquente Martin Buber et les milieux Ostjuden, fait la rencontre déterminante de Walter Benjamin et réfléchit sur le sionisme. Son journal de jeunesse, écrit dans une langue fiévreuse et foisonnante, constitue un témoignage irremplaçable sur l'Allemagne pré-hitlérienne et la genèse de sa pensée.
De la campagne toulousaine de son enfance au Nebraska de sa mère ou à l'Algérie de son père, en passant par le Maroc et la Palestine, ce livre dessine la géographie sensible d'une historienne " qui apprend la société par les gens ". Mille histoires diraient la mienne n'est pas une autobiographie, ni tout à fait un récit littéraire, encore moins une étude scientifique classique, c'est un questionnement. Dans ces pages où pointent la colère et l'urgence, elle tisse les enjeux de transmission de la culture et de la mémoire dans un récit vibrant. En résulte un texte attentif aux détails des lieux et des objets de la vie courante, en écho à sa manière de faire de l'histoire. Son livre est une réflexion puissante sur l'écriture de l'histoire, entre justesse et justice." Je m'appelle Malika Rahal et je suis une historienne du temps présent, de ce temps dont les témoins et acteurs sont encore en vie. " Malika Rahal revient ici sur son parcours d'émancipation intellectuelle, qui a conduit la petite fille d'une famille d'immigrés atypique à devenir historienne. Connue aujourd'hui pour ses recherches sur la guerre d'Indépendance en Algérie, l'autrice nous livre un texte très personnel, dans lequel les vivants et les morts de son histoire se mêlent à ceux de ses enquêtes.Dans ces pages où pointent la colère et l'urgence, elle tisse les enjeux de transmission de la culture et de la mémoire dans un récit vibrant. En résulte un texte attentif aux détails des lieux et des objets de la vie courante, en écho à sa manière de faire de l'histoire. Lorsqu'elle ouvre le placard à épices de sa cuisine, écoute les disques vinyles de ses parents ou regarde les photos de famille, c'est toujours en historienne: elle fait le lien avec sa pratique d'enseignante et de chercheuse, raconte son rapport aux témoins et à leurs récits. Son livre est une réflexion puissante sur l'écriture de l'histoire, entre justesse et justice
Le cimetière des Chaprais à Besançon au XIXe siècle. 2e édition revue et augmentée
Le cimetière des Chaprais, le plus grand des cimetières bisontins, fête son bicentenaire à la fin de l'année 2024. Ouvert en pleine époque romantique, véritable musée en plein air, ce cimetière a été classé monument historique en 1977 du fait de sa richesse patrimoniale et artistique. C'est l'occasion de rééditer l'étude d'Anne-Lise Thierry, historienne de l'art, publiée en 1987 et réactualisée.À partir d'un échantillonnage limité mais significatif, l'historienne s'attache à en dégager les caractéristiques historiques, sociologiques et artistiques.L'ouvrage, abondamment illustré, est enrichi par quelques notices sur les personnalités qui y sont inhumés.
Entre essai et manuel universitaire, cet ouvrage analyse l'histoire politique de l'Espagne depuis la mort de Franco. Il traite successivement de la transition démocratique, de la période socialiste (1982-1996), et des années 1996 à nos jours, marquées par les alternances et crises politiques, économiques, institutionnelles et séparatistes, auxquelles le pays est confronté. Malgré les tensions, la démocratie espagnole se normalise et s'européanise. Ce travail s'inscrit dans le renouveau de l'histoire politique et invite le lecteur à une approche nuancée de l'histoire politique espagnole récente.
Le volontariat international combattant dans la guerre d'Espagne (1936-1938)
La guerre d'Espagne s'est singularisée par le surgissement d'un phénomène considérable bien qu'inattendu: l'arrivée de dizaines de milliers d'étrangers désirant prendre part aux combats. Très majoritairement antifascistes, ils se sont dispersés dans différentes formations combattantes internationales, dont les plus fameuses furent les Brigades internationales mises sur pied par le parti communiste. D'autres ont quant à eux choisi de rejoindre le camp ennemi, précisément par anticommunisme. Cet ouvrage propose de replacer cet épisode célèbre du XXe siècle dans une continuité historique, celle du phénomène du volontariat international combattant, déjà prégnant au XIXe siècle. Il faut pour cela s'émanciper des perspectives qui faisaient des Brigades internationales une séquence inédite et unique pour regarder le phénomène dans son épaisseur, sa pluralité et sa complexité. Durant deux ans, les volontaires internationaux ont combattu dans la guerre civile espagnole selon des modalités propres, souvent concurrentielles, et des attentes diverses, non sans désillusions, déceptions et renoncements. Au-delà des disparités, des affrontements politiques et des controverses mémorielles, le mouvement qui a conduit ces dizaines de volontaires étrangers à venir combattre en Espagne a reposé sur un souffle puissant — ce phénomène exaltant que Malraux a baptisé " illusion lyrique ", et que l'on observe, aujourd'hui encore, dans les conflits armés contemporains.
Objets et pratiques en circulation dans les territoires de l'Axe. Sociétés & Représentations no 58
L'entretien du corps est au cœur de l'idéologie des mouvements et régimes fascistes. Il se fonde sur l'exaltation de la " race ", qui doit régénérer la nation et servir les ambitions expansionnistes et bellicistes des dictateurs. Ce double objectif idéologique et militaire explique la mise en place de pratiques et de consommations liées aux corps d'hommes et de femmes, qu'ils soient enfants et adolescents dans les organisations de jeunesse, travailleurs du monde agricole ou industriel, sportifs amateurs ou professionnels.Ce dossier étudie ce sujet fondamental pour la compréhension des fascismes en partant des circulations d'objets et d'attitudes corporelles liés à l'entretien du corps au cours des années 1930 et 1940 dans les territoires de l'Axe. Il entend contribuer à une histoire du quotidien et du banal dans une période où ces circulations ne vont pas de soi pour les populations, en raison des politiques protectionnistes adoptées par les États dans la crise économique des années 1930, puis des pénuries en temps de guerre et enfin du refus de consommer étranger par patriotisme en contexte d'occupation ou d'annexion.
À la différence de leurs coreligionnaires algériens devenus citoyens français en 1870 par le décret Crémieux, près de 90% des juifs de Tunisie sont de nationalité tunisienne au début du XXe siècle. Ils sont à ce titre appelés " indigènes " par la puissance coloniale, et soumis aux lois du bey. Juifs en terre d'Islam, ils n'ont pas le droit de porter les armes, et ne peuvent combattre qu'en contractant un engagement volontaire. C'est ce que plusieurs centaines d'entre eux font en 1914, alors que la Tunisie, sous protectorat français (1881-1956), est entraînée dans la Première Guerre mondiale. À leurs côtés, les juifs de Tunisie de nationalités italienne et française sont mobilisables dans leur armée respective, jusqu'à ce qu'ils en soient exclus à la suite des lois fascistes en 1938 pour les premiers et du décret-loi de Vichy sur le statut des juifs d'octobre 1940 pour les seconds. Malgré les obstacles posés par l'autorité coloniale et la permanence des discriminations, plus de 1 200 juifs de Tunisie combattent dans l'armée française au cours des deux guerres mondiales.Dans l'entre-deux-guerres, la génération de 1914-1918 participe activement aux commémorations de la Grande Guerre, puis mène le combat pour l'amélioration de la situation des juifs de Tunisie et contre l'essor de l'antisémitisme en Afrique du Nord comme en Europe. Elle encourage même aux engagements volontaires en 1939. La douloureuse expérience du régime de Vichy et de l'occupation de la Tunisie par l'Axe (novembre 1942-mai 1943) ne les décourage pas: les Forces françaises libres recrutent des centaines de juifs tunisiens qui participent à la libération de l'Europe. Comment expliquer cette détermination à combattre pour la France – malgré les trahisons de l'État français? Cette étude, appuyée sur une méthode prosopographique et sur de très nombreuses archives, s'approche au plus près de ces soldats, jusqu'ici oubliés de l'histoire.
Inventé et codifié en Angleterre, le football a été exporté par les expatriés britanniques. Les ports et littoraux deviennent les premiers lieux d'implantation du jeu comme à Rio de Janeiro ou le littoral du nord de la France. Très vite, les différentes catégories sociales portuaires, notamment les armateurs, adoptent le jeu et en font un spectacle international à Anvers, Oran ou Split. Les clubs sont soutenus par des supporters fiers de leur identité maritime en Bretagne, à Gênes, au Havre ou à Toulon. Les ports jouent aussi un rôle majeur dans la construction du football international. Le football est enfin partie prenante de la résistance à l'invasion comme à Split ou l'oppression communiste à Gdansk.