À l'aube du XXe siècle, un diagnostic extrêmement pessimiste de la situation de la Bolivie amène la nouvelle élite libérale à ériger l'école en l'instrument le plus fiable des transformations sociales dont elle rêve pour que le pays puisse intégrer le concert des "nations civilisées". La "régénération nationale" entreprise s'appuie alors sur une politique éducative qui aspire à créer de la modernité et de l'unité nationale. "Civiliser et régénérer" le peuple par l'école semble un pré-requis indispensable pour le rapprocher de normes et de formes de pensée considérées comme les seules voies vers le progrès. Le projet devient celui d'une "désindianisation" de la société. Création d'écoles publiques, nationalisation des programmes et des méthodes pédagogiques, premières initiatives étatiques en milieu rural, constitution d'un corps enseignant professionnalisé, sont quelques-unes des mesures de ces premières années. Le but initial semble être de fournir au plus grand nombre un bagage scolaire et culturel minimal. Mais ce projet homogénéisateur de la première décennie cède le pas, après 1910, à une politique éducative de la différenciation. Le "blanchiment" du peuple reste un idéal. L'école doit travailler à éliminer certaines distances… mais elle doit aussi veiller à en maintenir d'autres.Ce travail prétend dévoiler ce processus ambigüe que fut la politique éducative libérale, entre la recherche d'un rapprochement et celle d'un maintien à distance de l'Autre, celui qui était considéré comme malade, dégénéré, toujours si différent… et pourtant si nécessaire.
Les travailleuses domestiques au Mexique et l'articulation des rapports sociaux de genre, de classe et de race
Ce livre, rédigé à la suite d'une enquête ethnographique entre 2012 et 2013, met en lumière la situation des travailleuses domestiques au Mexique, à travers l'analyse et l'articulation de trois systèmes d'oppression: le genre, la classe et la "race".Les dynamiques sous-jacentes aux rapports de pouvoir sont importantes parce qu'elles permettent de comprendre non seulement les conditions de travail, mais encore, plus largement, les imaginaires qui traversent la société mexicaine (un panel large entre servante et employée de maison).Cependant ces femmes travailleuses, loin d'être les victimes d'un système, ne sont pas totalement surdéterminées par leur statut. Elles sont aussi capables d'agir et d'élaborer des stratégies, individuelles ou collectives, pour essayer d'éviter la discrimination, l'exploitation, le harcèlement, le classisme et le racisme.C'est grâce à une approche interdisciplinaire et féministe que nous interrogeons les conditions matérielles et subjectives des travailleuses domestiques.
Dans les années 1990 au Brésil, les premiers texteslégislatifs encadrant le territoire des populationstraditionnelles d'Amazonie brésilienne partaient du postulatque ces populations seraient menacées de disparition sielles venaient à être coupées de leur accès aux ressourcesnaturelles.De 2009 à 2013, à partir de cinq sites d'étude (Abuí, Cunani,Jarauacá, Campo Alegre et São Francisco do Iratapuru),une équipe de chercheurs s'est efforcée de dégager lesenjeux sociaux et spatiaux des populations traditionnellesd'Amazonie. Elle a, pour cela, minutieusement collectéet analysé les informations issues de données GPS,d'entretiens ou de rapports statistiques.Quels rapports ces sociétés entretiennent-elles avec leurterritoire? Qu'entend-on par l'expression " populationstraditionnelles "? Comment le savoir territorial, quifait l'originalité de ces populations, se transmet-il desanciennes aux nouvelles générations? Telles sont lesquestions auxquelles ont voulu répondre François-MichelLe Tourneau et ses co-auteurs géographes, sociologues etanthropologues.
Le coup d'État du général Pinochet au Chili le 11 septembre 1973 connaît un fort retentissement à l'étranger, notamment en Grèce où sévit la dictature des colonels depuis 1967. Deux mois plus tard, le 17 novembre, les manifestations d'étudiants à l'École polytechnique à Athènes sont très violemment réprimées par la junte, faisant plusieurs morts. "Chili-Grèce, mêmes ennemis, même combat", écrit la revue L'Autre Grèce depuis Paris, où des exilés des deux pays se sont réfugiés et s'entraident. Éloignées géographiquement, les sociétés grecque et chilienne seront rapprochées virtuellement en raison de l'expérience dictatoriale que leurs citoyens ont dû subir dans un contexte de confrontation idéologique aggravée par la guerre froide. Les deux sociétés ont aussi dû développer des moyens d'action, des pratiques de résistance, pour donner du sens à la dissidence et à l'opposition aux juntes militaires. Les slogans de solidarité vis-à-vis de Salvador Allende scandés par les étudiants de l'École polytechnique d'Athènes, la mise en musique de la poésie de Pablo Neruda par Mikis Théodorakis dans son Canto General, sont certaines des manifestations traçant le chemin vers une approche comparatiste.Cinquante ans après les événements tragiques de l'automne 1973, une journée d'étude de la Bibliothèque nationale de France, est revenue sur ces événements en portant un regard croisé sur l'histoire culturelle des luttes contre ces dictatures. Dans une perspective et une volonté d'histoire connectée, il était question de saisir les interactions, de repérer les interdépendances entre les deux sociétés autour du phénomène de la résistance à des régimes autoritaires par l'intermédiaire de l'expression socioculturelle, de retracer et de commenter les transferts culturels, la circulation d'acteurs, d'idées, de pratiques de contestation et/ou de mobilisation, qui ont vu le jour pendant les années 1960-1970. Parmi les sources explorées pour écrire cette histoire culturelle et connectée de la résistance, une place importante a été occupée par la presse en général, la presse allophone en particulier, l'édition littéraire dans toutes ses manifestations, la musique, le documentaire.
En novembre 2008, lors de l'élection de Barack Obama, des millions de téléspectateurs du monde entier ont vu des images du Kenya et des États-Unis, reflets des liens historiques existant entre les continents africain et américain. Il ne manquait que les rivages de l'Amérique du Sud et les images de mégalopoles européennes pour que les contours complets de l'" Atlantique noir " apparaissent de manière tangible. Cette notion géo-historique, forgée par le sociologue anglais Paul Gilroy au début des années 1990, a doté l'anthropologie des sociétés et des cultures afro-américaines d'objets, de problématiques et de cadres théoriques nouveaux. Elle étudie les productions culturelles afro-américaines en évitant le piège des oppositions binaires (essentialisme/anti-essentialisme, tradition/modernité) et dessine les routes maritimes de la terreur esclavagiste comme étant une dimension consubstantielle de la modernité. Révélant l'océan Atlantique comme lieu de circulation, de création et de résistance culturelle, l'ouvrage de Gilroy est rapidement devenu un classique des sciences sociales, discuté dans plusieurs pays, langues et disciplines.Comment historiens, anthropologues, géographes ou sociologues d'Amérique latine, d'Afrique et d'Europe se sont-ils approprié la démarche et les problématiques de l'Atlantique noir ? Quels échos renvoie cette notion lorsqu'elle est travaillée depuis ses différentes franges côtières ou pour des époques différentes ? Quels sont les enjeux – politiques, épistémologiques – des multiples débats qu'elle a suscités ? En quoi les perspectives ouvertes par cette approche novatrice ont-elles transformé la manière de penser les relations entre les trois continents ? C'est à ces grandes questions qu'entend répondre cet ouvrage, qui offre une polyphonie d'échos des travaux de Paul Gilroy et en atteste l'impact dans la pratique des sciences sociales en ce début de XXIe siècle.
Une internationale scientifique : genèse, pratiques et programmes de recherche
Dès les années 1960 au sein du Centre de sociologie européenne, Pierre Bourdieu a développé des équipes internationales pour enquêter en Europe, au Maghreb, en Asie, aux États-Unis et en Amérique latine. Les enseignements à l'EHESS puis au Collège de France, les collections éditoriales (Minuit, Seuil, Raisons d'agir), la revue Actes de la recherche en sciences sociales et Liber-Revue internationale des livres, ont été autant de lieux d'échange et de circulation des idées.En s'appuyant sur l'analyse des relations de Bourdieu et de ses collaborateurs et collaboratrices avec les Amériques, cet ouvrage fait découvrir les pratiques internationales de recherche qui ont contribué à l'élaboration de concepts, de méthodes et de nouveaux champs d'études. Il décrypte le processus de constitution de réseaux intellectuels et detransferts de savoirs, à travers l'invitation et la formation des chercheurs, les activités d'édition, les traductions, l'animation de séminaires ou la réalisation d'enquêtes collectives.Ce livre invite à comprendre la formation d'une véritable internationale scientifique, bien différente des injonctions à l'internationalisation des promoteurs de la global science.
À l'occasion du numéro 100-101 de sa nouvelle série, les Cahiers des Amériques latines proposent un volume particulier destiné à célébrer cet anniversaire.
Avant-propos (Olivier Compagnon)Chronique :Brasil hoje : mais desenvolvimento e menos desigualdade (Luiz Inácio Lula da Silva) /Dossier : Le Brésil et la France au XXe siècleIntroduction : le Brésil et la France au XXe siècle (Olivier Compagnon et Martine Droulers)Le Brésil, sujet de la géographie régionale française. Continuités et ruptures (Paulo Cesar Da Costa Gomes et Rodrigo R. H. F. Valverde)Febrônio/Fébronio. Transfigurations d'un fait divers dans l'imaginaire brésilien de Cendrars (Anouck Cape)La bossa nova en France : un modèle musical ? (Anaïs Fléchet)Formes et dynamiques des mobilisations politiques des exilés brésiliens en France (1968-1979) (Maud Chirio)Compétences acquises en France et fabrication des élites politiques du Brésil contemporain. La trajectoire de Cristovam Buarque (Daniella de Castro Rocha)ÉtudesAide sociale et coopération en Amazonie brésilienne. L'import-export des bons sentiments (Benjamin Buclet)Pour une poignée de dollars ? Transmission et patrimonialisation de la culture chez les Trumai du Brésil central (Emmanuel de Vienne et Olivier Allard)Ethniciser le territoire. Mouvements pendulaires transfrontaliers dans un contexte amazonien (Jean-Pierre Goulard)Un secteur " résiduel ". Le télémarketing au Brésil (Isabel Georges)L'institutionnalisation partisane. Une étude du setorial femmes du Parti des Travailleurs à São Paulo (Marie-Hélène Sa Vila Boas)Religião e política no Brasil (Ari Pedro Oro)Escrevendo e cartografando a cidade do Recife na passagem para o século XX (Raimundo Pereira Alencar Arrais)Information scientifiqueLectures
- L'intégration andine à l'époque du Tawantinsuyu (Martti Pärssinen)- La communauté symbolique des nations de l'arc-en-ciel, ou les traces d'un rêve (Georges Lomné)- Actualidad del relato bolivariano en la integración continental : Mi delirio sobre el Chimborazo o la sugestión prometeica (Ana Cecilia Ojeda A., Serafín Martínez G. et Idania Ortiz M.)- L'intégration andine et ses présupposés : la région andine existe-t-elle ? (Anne-Laure Amilhat-Szary)- La communauté andine des nations : entre tentatives de relance et crise récurrente (Carlos Quenan)Études- Les magistrats péruviens au XIXe siècle. Des hommes de pouvoir au cœur de la transition politique : 1808-1825 (Lissel Quiroz-Pérez)- Les enjeux locaux de la "" reconstitution des peuples indiens "" au Mexique. Reconfiguration des rapports entre minorités et pouvoirs publics : le cas totonaque (Nicolas Ellison)- Les exclus du boom migratoire mexicain (Nathalie Gravel)Information scientifiqueLectures