p.p1 {margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; text-align: justify; font: 13.0px 'Helvetica Neue'}Longtemps minimisés par la critique universitaire, les multiples apports de Carl Gustav Jung à un renouvellement de l'anthropologie philosophique sont ici argumentés. L'interprétation philosophique de l'œuvre suit deux fils conducteurs : l'évaluation constamment positive de la philosophie kantienne par le psychologue suisse, d'une part, et, d'autre part, l'identification de l'inconscient collectif archétypique à un a priori transcendantal informant les concepts spécifiquement jungiens : quaternité, mandalas, synchronicité. Ces deux orientations exigeaient que l'œuvre de Jung soit confrontée, non seulement aux philosophies de son temps qu'il a lui-même évaluées (Kant, Hegel, les romantiques allemands, Nietzsche), mais à deux courants de la philosophie contemporaine se référant au kantisme : phénoménologie (Husserl) et philosophie des formes culturelles (Cassirer). Ces confrontations confirment la fécondité philosophique de la pensée jungienne pour l'anthropologie.
En 1900, la phénoménologie et la psychanalyse faisaient simultanément irruption sur la scène intellectuelle. Pendant quarante ans, Husserl et Freud développèrent avec une égale persévérance les formes de pensée qu'ils avaient instaurées, laissant derrière eux deux oeuvres considérables. Leurs derniers textes, qui analysaient la crise et le malaise affectant la culture occidentale, témoignaient alors semblablement d'une profonde inquiétude quant à l'avenir. Ils moururent tous deux, témoins des soubresauts liminaires de la Seconde Guerre mondiale et victimes des premières mesures antijuives du national-socialisme.Voisines malgré d'évidentes divergences, ces pensées parallèles semblaient devoir se rencontrer. Pourtant, lorsqu'il fut tenté, leur rapprochement demeura à chaque fois voué à l'échec, à la confusion ou à l'aporie. Loin de vouloir les faire converger, le présent ouvrage cherche au contraire à faire apparaître leurs singularités respectives. Il porte une attention particulière aux relations qu'on peut établir entre les textes publiés et les écrits de tous ordres qui reposent dans les archives. À leur croisement se laissent lire, à la fois, la pensée qui s'y exprime et la vie qui s'y joue. Le rapport de Husserl et de Freud à la religion, l'importance de leur rencontre avec Brentano ou la signification que revêtit pour eux la figure de Nietzsche se montrent alors sous un jour nouveau, tout comme certains motifs de provenance judaïque, que la phénoménologie dénie alors que la psychanalyse les assume et les intensifie.Docteur en philosophie, Jean-François Aenishanslin enseigne la philosophie et la psychologie à Lausanne. Il a précédemment publié Grammaire de la phénoménologie aux mêmes éditions.
L'" Homme " ou la " structure ", la " philosophie du sujet " ou la " philosophie du concept ": ces oppositions balisées dans le cadre de la " querelle de l'humanisme " ont la dent dure. Elles contribuent à surdéterminer la manière dont nous héritons, aujourd'hui encore, de la vie intellectuelle des années soixante. Ce livre se situe délibérément après cette querelle: à rebours des polémiques convenues et des dialogues de sourds, il propose une reconstruction dialogique du problème de la pratique et de son primat supposé sur la théorie, comme enjeu commun à trois auteurs réputés incompatibles: Althusser, Foucault et Sartre. Privilégiant le caractère intempestif des thèses à la systématicité des œuvres, l'ouvrage suit le fil conducteur des rapports entre pratique et structure, prenant la forme d'une " théorie des ensembles pratiques ".Le dialogue ainsi reconstruit accorde une importance toute particulière à la critique par Althusser des philosophies de la praxis constituante — parmi lesquelles la Critique de la raison dialectique de Sartre occupe une place majeure — au profit d'une analyse structurale des pratiques constituées. Ce geste althussérien a un coût, qui consiste à écarter l'ancrage historique et empirique des pratiques au profit d'une théorie de l'histoire comme " procès sans sujet ".Foucault et Sartre se démarquent nettement du traitement althussérien de l'intelligibilité des pratiques. Il s'agit pour eux de sonder l'intelligibilité des pratiques à même le concret: celui des archives de pratiques passées chez Foucault, celui de la dialectique comme logique de l'action en cours chez Sartre. Contre l'idée galvaudée d'un Sartre vieillissant parmi ses contemporains, s'ouvre alors la possibilité d'un véritable dialogue entre Foucault, Sartre, et les sciences sociales sur la question d'une histoire politique de la vérité, qui contribue à remanier en profondeur les rapports entre théorie et pratique.
Quand il s'agit de rendre compte, par-delà les calculs intéressés de l'homo oeconomicus, de la manière dont tiennent les sociétés humaines, donner et reconnaître apparaissent comme deux dimensions constitutives de l'agir social. Mais du don et de la reconnaissance, il convient aussi, avant d'en appeler à leur syncrétisme, d'en interroger les proximités et les distances, ainsi que leurs consistances respectives. Par exemple, dira-t-on d'un don sans retour ou d'une reconnaissance sans réciprocité qu'ils sont encore dignes de ces noms ? Les activités de don et de reconnaissance se confrontent alors à une tierce dimension qui les taraude de l'intérieur : la domination. Cet ouvrage propose d'examiner plus précisément la façon dont se répondent et s'entremêlent les trois modèles du don, de la reconnaissance et de la domination, sur des enjeux contemporains situés au croisement de plusieurs horizons théoriques (la théorie critique, l'anthropologie, la phénoménologie sociale, la psychanalyse).
Ce huitième volume de la collection " Langage et Pensée " est consacré à la pensée française du XIXe siècle au début de ce XXIe siècle. Il ne se donne pas pour objectif d'en proposer un panorama, mais d'en interroger les spécificités selon deux axes: quels rouages de pensée originaux la philosophie française contemporaine met-elle en œuvre? Et simultanément, selon quels types de problématiques s'est-elle intéressée à l'univers de la langue, de la parole, et du langage? En d'autres termes, comment la confrontation au langage se combine-t-elle à l'élaboration d'innovations conceptuelles ou problématiques, comment l'inspire-t-elle et l'alimente-t-elle — fût-ce parfois, peut-être, en gênant son développement? La langue réfléchie par les philosophes, certes; mais aussi la langue pratiquée par les philosophes, qui ne s'identifie pas nécessairement à la précédente, ou, ce qui est tout différent encore, le statut du langage comme objet d'enquête pour le philosophe, ou bien encore le langage comme révélateur — parfois comme solution — de problèmes auxquels il semblait au départ totalement étranger: les textes rassemblés dans le présent ouvrage ont d'abord pour ambition de montrer l'étonnante variété des perspectives suivies par les philosophes à l'âge contemporain, la diversité des modes d'exploitation de la prise en compte de la langue, de la parole ou de l'écriture, et par là la fécondité de cette référence.
Une lecture de La projection du monde de Stanley Cavell
L'influence de Stanley Cavell sur plusieurs réalisateurs contemporains (Jacques Audiard, Emmanuel Bourdieu, Jean-Pierre et Luc Dardenne, Arnaud Desplechin, Terrence Malick, Claire Simon, notamment) est connue. On connaît moins cependant l'importance de Stanley Cavell pour la pensée anglo-saxonne du cinéma et l'on ignore en général que son chef-d'œuvre, La projection du monde (1971), est une référence incontournable de la très dynamique philosophie d'après le cinéma telle qu'elle est pratiquée dans des œuvres récentes comme On Film (2002 ; 2008) de Stephen Mulhall, Film as Philosophy. Essays on Cinema after Wittgenstein after Cavell (2005) de Rupert Read et Jerry Goodenough ou encore New Philosophies of Film. Thinking Images (2011) de Robert Sinnerbrink. Partant de la conviction qu'on ne peut pas vraiment comprendre les œuvres ultérieures de Cavell sur le cinéma sans avoir bien compris La projection du monde, et du constat que cette œuvre n'a pas encore reçu en France l'accueil qu'elle mérite, ce livre fait le pari que la pensée cinématographique de Stanley Cavell est à notre portée si l'on fait l'effort de la lire lentement et patiemment. Il propose donc une lecture détaillée de La projection du monde éclairée par ses sources wittgensteiniennes et par l'ensemble de l'œuvre philosophique de Cavell.
En 1989, dans Les Trois écologies, le psychanalyste, philosophe et militant politique Félix Guattari appelait " écosophie " l'articulation éthico-philosophique complexe " entre les trois registres écologiques, celui de l'environnement, celui des rapports sociaux et celui de la subjectivité humaine ". L'écosophie pourrait se définir comme une passerelle transversaliste entre des domaines hétérogènes, comme une ouverture attentive aux mutations (politiques, philosophiques, économiques, techniques et esthétiques) de notre époque, comme une remise en question globale de notre vision de la biosphère, de la technosphère et de la noosphère. Dans une approche résolument transdisciplinaire, cet ouvrage se propose de questionner les perspectives actuelles de ces écologies (écologie urbaine et pensée des territoires, droit de la nature, écologie politique, éthique environnementale, philosophie animale) en accordant une attention particulière aux réflexions et aux pratiques qui concernent l'imagination et l'esthétique environnementales et à l'émergence progressive d'un nouveau " paradigme esthétique " écosophique.
L'histoire de la pensée occidentale est jalonnée de grandes " querelles ", comme celle des universaux ou celle des anciens et des modernes. C'est à travers de tels débats, comme ceux qui, durant la seconde moitié du XXe siècle, ont opposé en France Gueroult et Alquié ou Foucault et Derrida, que, à notre époque, elle reste vivante. En prenant en considération certains aspects surprenants de sa réception, on mesure à quel point une doctrine comme celle de Descartes, qu'aucune entreprise académique n'est parvenue à momifier, appelle des engagements de pensée pratiqués au présent, et répugne à une appréhension objective ou prétendue telle, qui, en la considérant à distance, la relèguerait dans un passé révolu. L'œuvre de Descartes reste pour nous encore en grande part une énigme, et ainsi elle constitue une invitation ou une provocation à penser, en nous tenant à l'écart des idées touts faites : c'est par là, et non par les certitudes acquises dont elle serait porteuse, qu'elle se révèle incontournable pour qui s'intéresse à la philosophie.
C'est avec La Volonté de savoir (1976) que Michel Foucault entame le projet d'écrire une histoire de la sexualité. Ce premier volume, court, incisif, programmatique, traite d'un sujet hautement polémique dans la société française de l'après-1968 où l'émancipation sexuelle apparaît alors comme l'ultime et décisif combat. Comment, depuis le XIIe siècle, la sexualité est-elle devenue dans nos sociétés occidentales un enjeu de pouvoir, mais aussi un instrument de subjectivation ? C'est par un détour historique que Foucault en arrivera à remettre en cause l'idée de l'hypothèse répressive et son corollaire, celle de la libération du sexe. L'Occident, loin d'avoir censuré la sexualité, l'a inventée de toutes pièces.La réception de l'ouvrage porte la trace de ce questionnement du philosophe : sexe et politique, identité sexuelle, plaisir et désir, construction du genre, dispositif de sexualité… voici quelques-uns des thèmes qui sont mis en avant dans les très nombreuses lectures, venant aussi bien de théoriciens que de militants qui ont suivi la publication de l'ouvrage. Un livre de Foucault qui, comme les autres, est venu heurter les schémas de pensée qui avaient jusque-là dominé les analyses de la sexualité et les luttes de libération sexuelle.
Tout au long de son œuvre, Michel Foucault n'a cessé d'interroger les formes et les dispositifs de pouvoir qui définissent, dans nos sociétés modernes, les modalités du contrôle social et de la production normative des individualités déviantes (le fou, le criminel, le pervers). Parallèlement à ce travail d'analyse et de diagnostic de notre présent, il s'est attaché à développer une réflexion critique concernant les conditions pratiques et les enjeux politiques d'une résistance active à l'emprise du pouvoir et des normes sur la vie des sujets. " Là où il y a pouvoir, il y a résistance ", écrit-il dans La Volonté de savoir.Les études qui composent le présent ouvrage interrogent à nouveaux frais cette articulation entre pouvoir et résistance, qui forme le cœur de la pensée politique et de la démarche critique de Michel Foucault. Elles permettent ainsi d'apporter un éclairage original sur l'hypothèse du " bio-pouvoir ". Mais elles visent surtout à inscrire la problématique biopolitique dans un cadre plus large qui permet de faire apparaître l'ancrage philosophique et l'actualité de la pensée de Michel Foucault.La confrontation des enjeux critiques et politiques de cette pensée à celles de Kant, de Heidegger, de Deleuze, d'Agamben, de Negri, de Butler et de Walzer conduit alors à renouveler l'approche des relations entre pouvoir et résistance, en montrant que ces relations concernent toujours des enjeux vitaux, subjectifs et pratiques qui forment le socle de la mobilisation et de la lutte contre l'intolérable.
Il pourrait paraître paradoxal qu'une école de formation au management organisât un colloque sur un intellectuel français comme Sartre. Paradoxe si l'on considère le management comme un vaste système à donner des recettes toutes faites, une machine à répéter des titres de littérature d'aéroport. Or le projet de Reims Management School est entre autres de bien former des étudiants capables de comprendre des pensées autres, critiques ou inédites, hors du mainstream. En effet, ce monde turbulent qui émerge appelle des esprits créatifs, ouverts et curieux.Ce colloque est également le fruit d'une collaboration toujours fructueuse avec l'Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA) et de liens avec Sciences Po, nouvellement arrivé à Reims. Des professeurs des trois institutions ont pu débattre sur un sujet commun, ce qui ne peut que nous réjouir.